Il est insupportable à beaucoup. Toujours se rejoue pour ceux qui souffrent de leur obscurité sociale le cas d’Érostrate, qui incendia le temple d’Artémis à Éphèse. Il cherchait simplement la célébrité et n’avait pas d’autre moyen d’y parvenir. Les Éphésiens interdirent de citer son nom, mais leur décision ne fut pas suivie, puisque ce nom est passé à la postérité, l’histoire étant mentionnée par maints historiens antiques. Plus près de nous, elle est reprise dans une des nouvelles qui composent Le Mur, de Sartre : on y lit que si l’architecte du temple nous est demeuré inconnu, il n’en est pas de même de son destructeur, dont ainsi le calcul a été couronné de succès.
Il est aussi celui des auteurs des attentats barbares auxquels nous assistons. Leur but est de semer la terreur à l’aveugle, de faire parmi les populations qu’ils honnissent le plus de victimes possibles avec les moyens minimaux dont ils disposent. Évidemment ils veulent que leur acte ait le plus de retentissement médiatique possible, de façon que la terreur qu’ils initient se répande le plus, et que leur nom soit connu de tous, en tant que martyrs héroïsés. En quoi ils ont raison, puisque tous les médias ne tarissent pas de renseignements sur les auteurs de ces massacres. De totalement inconnus qu’ils étaient, les voilà devenus des vedettes de l’actualité. Leur revanche est une énorme célébrité posthume, et tant que ce processus perdurera, il fera tache d’huile, beaucoup de candidats pouvant se présenter ensuite pour les imiter.
Nos gouvernants tombent ainsi dans le piège de l’organisation terroriste. Aussi la première des mesures à prendre serait de faire un silence complet, une fois le crime perpétré, sur l’identité de ses auteurs, une de leurs motivations essentielles étant leur refus de l’anonymat. Mais notre curiosité de voyeurs est telle qu’on continue de la satisfaire, et de l’alimenter par la publicité qu’on donne aux criminels. L’irréflexion est totale, et ne peut qu’accentuer l’enchaînement même de ces crimes.
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