Il peut conduire à de bien fâcheuses conséquences. Le parti socialiste en France vient d’en faire l’amère expérience. Arrimé à La France Insoumise, il a décidé de suivre le dictat du patron de ce dernier, qui au nom de la majorité obtenue par la Front de gauche aux dernières élections a voulu d’emblée imposer l’intégralité du programme qui était porté. C’était cela ou rien, à prendre ou à laisser. On n’a pas réfléchi que cette majorité n’était pas absolue, mais relative, et donc que le programme aurait en tout logique dû être amendé, compte-tenu des résultats des autres partis. Normalement des compromis auraient dû être acceptés – sans qu’évidemment il y eût compromission, mais tout cela aurait dû être soumis à ce qui est l’essentiel de la démocratie : la discussion.
La deuxième occasion pour la gauche a été perdue par le refus de soutenir comme candidat au poste de Premier ministre le nom d’un ancien ministre issu de ses rangs. On connaît le résultat. Pour avoir voulu tout obtenir et refusé de pactiser, la gauche aura tout perdu. Faute d’avoir le tout de rien elle n’aura rien du tout.
Je laisse de côté l’extrémisme volontaire qui peut être une tactique pour faire dégénérer une situation dont on pense qu’elle sera profitable à la fin, par la désorganisation qui se produira. Mais enfin que reproche-t-on en général à la discussion et aux amendements ? C’est mettre ses convictions bien haut, que de penser qu’elles sont inattaquables. Et c’est aussi bien mépriser celles des autres.
Un proverbe grec, issu d’Hésiode, sait que la moitié est supérieure au tout : pléon hèmisu pantos. Si on ne peut pas tout obtenir, pourquoi refuser d’en avoir une partie ? Toutes les démocraties matures sont habituées aux compromis. Pourquoi la nôtre fait-elle exception ? Est-ce l’influence de notre Révolution historique qui nous modèle encore ?
Je pense à la fable de La Fontaine Les Grenouilles qui demandent un Roi. Jupiter leur envoie d’abord un soliveau, mais très vite elles se lassent de lui, le trouvant décidément trop mou. Elles en demandent un autre. Pour leur répondre alors, Jupiter leur envoie une grue, qui les mange. Que ne se sont-elles pas contentées du premier !
La sagesse traditionnelle insiste toujours sur la mesure essentielle en toutes choses : si on n’a pas ce que l’on aime, il faut aimer ce que l’on a. Mais sans renoncer à sa volonté de changement la gauche ne se serait pas à mon sens déshonorée si elle avait accepté la discussion. Au moins aurait-elle pu la tenter. Et elle n’aurait pas tant déçu ses électeurs.
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