Elle peut être volontaire, selon ce que dit le Discours de La Boétie. C’est à quoi j’ai pensé en voyant sur Arte, dans la soirée du 20 août dernier, l’émission Sous l’œil de Pékin : total Trust, consacrée à l’asservissement des citoyens chinois par les divers systèmes numériques de contrôle (caméras, flicage, etc.) mis au point par le gouvernement.
J’ai toujours pensé qu’un organisme policier, si développé soit-il, ne peut mettre en situation de dépendance des millions de sujets sans qu’il y ait à cela un minimum d’acquiescement de leur part. En somme, ils doivent chérir leur esclavage, ou au moins avoir favorisé son installation. On touche là des zones sombres de l’être, quand le désir de liberté s’y trouve remplacé par celui d’une prise en charge déresponsabilisatrice, par l’assistanat par exemple. Le chien ne lèche-t-il pas la main qui le frappe ?
Cette transition est progressive. En l’espèce, la majorité du peuple chinois n’a pas commencé par réagir aux premières mesures mettant en place un « crédit social » censé récompenser les bons citoyens en leur donnant des « points », et à punir les mauvais en leur en enlevant. Mieux, beaucoup ont vu là un « jeu » auquel ils ont consenti de bonne grâce. Mais au fil du temps les mesures plus sévères ont suivi, comme l’embauche dans les villes de « surveillants de quartier » chargés de faire la police, qu’on a acceptées parce que vues finalement comme indolores. Là est le machiavélisme de ce type de mesures : dans leur imposition progressive.
On connaît la parabole de la grenouille. Plongée dans une eau bouillante, elle s’en échappe aussitôt. Mais dans une eau qui se réchauffe par paliers, elle s’y habitue et ne songe plus à s’échapper. À la fin elle meurt ébouillantée.
« Une maille rompue emporta tout l’ouvrage », dit La Fontaine dans Le Lion et le Rat. Autrement dit, une seule mesure potentiellement liberticide, si infime soit-elle au départ, peut avoir des conséquences incommensurables. Mais l’homme est toujours responsable des dernières pour avoir au départ accepté la première.
Au sein des systèmes totalitaires, il faut bien sûr qu’il y ait toujours des résistants dans la route vers la servitude. Mais on gagnera aussi à s’observer soi-même, par introspection, et à comprendre que la démission par l’apathie et l’amnésie engendrée par l’accoutumance sont des tentations qui nous constituent et nous menacent toujours.
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