Un ancien article (2017), mais encore actuel
Celle des téléspectateurs, déjà très grande, va s’accentuer avec une récente décision du CSA. Grâce à lui, TF1 va pouvoir entrecouper ses journaux télévisés par de la publicité, à partir du 1e janvier 2018. C’est la fin d’une habitude jusque là encore respectée dans le PAF, selon laquelle on devait séparer radicalement l’information du commerce. Mais la puissance toujours grandissante de ce dernier vient de l’emporter.
Donc, à côté d’un accident tragique, d’un séisme, d’un massacre de populations, ou de famines, etc., on aura droit à un spot pour de la charcuterie, voire pour des aliments pour animaux (« Le plaisir des chats difficiles ! »). L’obscénité de la chose disparaîtra au fil du temps, grâce à la force de l’habitude. Les spots grandiront progressivement en importance, comme il se voit déjà sur les chaînes privées, au point de parasiter totalement les programmes eux-mêmes. Finalement le téléspectateur pourra dire qu’il a vu au Journal télévisé quelques spots d’information, à côté d’une grande émission publicitaire.
La réalité de l’homme moderne est qu’il a une conscience punctiforme et pulvérisée. La succession hétérogène et hétéroclite, purement paratactique, des images qu’il ingurgite crée une espèce d’équanimité, une incapacité à hiérarchiser, à faire des liens et un tri entre les images, ce qui est pourtant le signe majeur de l’intelligence (inter-legere). Tout s’équivaut et finalement s’annule, dans un esprit hébété et torpide. Tel sera l’état de ce « temps de cerveau disponible », où un responsable de TF1 voyait le but à atteindre par la télévision. Une fois ouvert le robinet à images, la bouillie visuelle submergera tout, comme un fleuve qui, pour quelques rares pépites, charrie tant d’embâcles ! Nouvel opium, drogue abrutissante, qui empêche de penser et de sentir...
Il reste à espérer que cette autorisation du CSA soit contreproductive, et amène les spectateurs à se reporter sur les JT des chaînes publiques, dont France 2, qui échappent encore à cette mesure. Mais pour combien de temps ?
Article paru dans Golias Hebdo, 31août 2017
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