Ce mot fait toujours peur dans le monde de l’éducation. Ainsi les étudiants qui manifestent aujourd’hui contre les mesures organisant leurs études voient dans les « prérequis » nécessaires pour entrer à l’Université une hypocrite façon de désigner ce qui est en réalité une sélection.
En quoi ils ont parfaitement raison. Mais préfèrent-ils la sélection par l’argent, qui permet aux seuls étudiants fortunés de s’inscrire dans des organismes privés, où les études coûtent fort cher ? Préfèrent-ils encore la sélection bien réelle aussi qui s’est pratiquée jusque ici dans certaines Universités publiques, qui faute de suffisamment de places ont procédé pour les admissions au tirage au sort ?
Est-il rien de plus injuste que cette méthode ? Et pourtant je suis sûr que certains étudiants la préféreraient. Le tirage au sort garantit en effet l’égalité totale des individus, indépendamment de leur mérite personnel, et dérive de cette obsession de l’égalité totale qui est la pathologie majeure de la démocratie. Montesquieu dans L’Esprit des lois dit qu’elle meurt ordinairement ce que qu’il appelle « l’esprit d’égalité extrême », nous dirions aujourd’hui l’égalitarisme. Toutes différences y sont refusées et combattues, comme sur le lit de Procuste. Quoi de plus égalitaire alors que se fier au hasard, à la loterie ? Cela dispense de faire retour sur soi, d’examiner ses propres capacités. Le refus de toute sélection au mérite repose sur cette invidia democratica, cette haine démocratique à l’égard de toute différence. Ce n’est pas pour rien qu’aujourd’hui les jeux de hasard sont si populaires : il ne faut pas beaucoup réfléchir pour gratter un ticket de loterie, et chacun estime y avoir sa chance.
Enfin je soulignerai ici un détestable abus de mot. On parle de « grève » des étudiants. Mais un étudiant bénéficiant d’un service public ne travaille pas, il coûte à la collectivité. Quand un vrai travailleur fait grève, il perd son salaire. Et il n’empêche pas les autres de travailler, à l’opposé de cette « grève des examens », où on empêche ceux qui voudraient les passer de le faire, et d’assurer ainsi leur propre avenir.
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