Invité de l’émission Téléfoot sur TF1 dimanche 10 juin, notre Président s’est confié sur l’avenir de nos Bleus quant à la prochaine Coupe du Monde, et il a eu cette formule-choc, qui résume bien toute sa philosophie : « Une compétition est réussie quand elle est gagnée. » (Source : football365.fr, 10/06/2018)
Autrement dit, seule la victoire confère une valeur à celui qui la remporte. À l’inverse, celui qui perd est rejeté au néant. Déjà en juillet dernier le Président avait opposé dans la vie « ceux qui réussissent et ceux qui ne sont rien ». Il y a là comme un leitmotiv de sa pensée, un réflexe récurrent.
Il rejoint l’idéologie états-unienne : il faut toujours être un vainqueur, un winner, et le perdant, le looser, est l’objet du plus grand mépris. Cela renvoie à la vieille théologie de la rétribution, selon laquelle ce qui nous arrive est ce que nous méritons. Réussissons-nous, c’est que Dieu nous aide. Échouons-nous, c’est qu’il nous rejette, et que nous n’avons pas mérité sa grâce. De toute façon c’est de notre faute, et malheur aux vaincus ! (Vae victis !). Déjà aux jeux Olympiques de l’Antiquité le vainqueur l’était avec l’aide de Dieu, Deo juvante.
Je pense que leur fondateur moderne, Pierre de Coubertin, aurait été horrifié par la phrase présidentielle. Pour lui, l’important dans la compétition n’était pas de gagner, mais de participer. Comment par exemple le professeur d’éducation physique motivera-t-il ses élèves, s’il ne valorise que la réussite ou la victoire ? Combien de laissés-pour-compte, d’abandonnés au bord de la route, pour un qui réussit ! Dans la compétition de la vie, on voit bien de quel prix se paie la réussite : celui de l’écrasement acharné des autres, comme il se voit dans le dernier film de Stéphane Brizé, En guerre.
Finalement, ne justifier une entreprise que par sa réussite est d’un cynisme absolu. C’est revenir aux ordalies médiévales, absoudre le fait accompli, et diviniser la loi de la nature, où la raison du plus fort est toujours la meilleure, alors que tout l’effort humain devrait être de tenter de la corriger.

Chaque joueur tricolore gagnera 300 000 euros de prime en cas de victoire (entendu au Journal de 19 H de France Inter, le 11 juin 2018).
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