J’adore les vieux livres. J’ai acquis l’autre jour au marché aux puces de ma petite ville le Manuel du confesseur, de saint Alphonse de Liguori, en latin : Praxis Confessarii, édité à Lyon en 1804. On en trouvera le texte entier sur Internet, en tapant le titre latin dans le moteur de recherche. Mais je ne résiste pas au plaisir de vous en traduire quelques petits extraits.
Comment d’abord confesser un sourd-muet ? Il faut « l’amener en quelque endroit retiré, et lui demander de donner quelques signes de ses péchés et de son repentir, de la meilleure façon possible » : page 154. En clair, comme il ne peut parler, il faut lui faire mimer ce qu’il a fait. J’imagine d’ici la scène, qui peut avoir quelque sel, surtout en pensant à ce « de la meilleure façon possible ».
Comment maintenant le confesseur doit-il s’y prendre avec un condamné à mort ? Il faut d’abord lui représenter que cette mort qui l’attend est « un cadeau de Dieu qui veut par là faire son salut » ; lui dire aussi « que nous devons tous sortir de ce monde éphémère, afin de parvenir à une éternité qui, elle, n’a pas de fin » : page 158. Quand il monte à l’échafaud, il faut, en lui prodiguant de lénifiants discours, par exemple sur la passion rédemptrice du Christ, faire en sorte qu’il montre des signes de son repentir. Mais si ce n’est pas le cas, s’il s’obstine, alors « il pourra être utile de lui faire peur, disant : ‘Descends, maudit, en Enfer, puisque tu veux causer ta propre perte. Mais sache que ton châtiment en Enfer sera plus terrible que le souvenir de cette vie que Dieu t’a donnée et dont tu n’as pas su faire bon usage.’ » : pages 161-162. Là aussi j’imagine la scène, et l’effet que peuvent produire de telles paroles sur l’âme du pauvre diable dans l’instant même où il est confronté à ce qui l’attend.
Comment une religion de l’amour a-telle pu produire de telles attitudes ? Canonisé celui qui les a décrites, et dont se réclame par exemple la tradition rédemptoriste ? A-t-elle changé aujourd’hui ? On peut l’espérer. Mais restent des témoignages accablants. Et encore ne sont-ce là que deux extraits de ce long et méticuleux livre, dont on ne sait ce qui l’emporte finalement, du ridicule ou de l’odieux.
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Nota : Ce texte est aussi publié en volume. Retrouvez-le, avec toutes mes chroniques revues et enrichies, réunies sous forme de livres édités chez BoD en version papier et en version électronique, et constituant une collection de plusieurs tomes :
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