L’actualité vient de mettre au premier plan des affaires fort embarrassantes pour l’Église catholique : les crimes de pédophilie, et les viols de religieuses commis par un certain nombre de prêtres. Bien sûr il convient de demander justice pour les victimes. Mais il est encore plus important me semble-t-il de comprendre comment cela a pu se produire, et risque encore de le faire si on n’y prend pas garde.
En catholicisme, le prêtre agit in persona Christi, c’est-à-dire en tant que Jésus-Christ, consubstantiel au Père. Autrement dit, c’est un personnage sacré dans toutes les occasions cruciales de son ministère. Par exemple lorsqu’il dit la messe, ou bien lorsqu’il administre les sacrements.
Ainsi c’est un thaumaturge, puisqu’il a le pouvoir en célébrant l’eucharistie de changer effectivement pain et vin en corps et sang du Sauveur, qui deviennent réellement présents sur l’autel : il lui suffit pour cela de prononcer les paroles rituelles, et s’opère le miracle de la transsubstantiation. Son langage est performatif, en ce qu’il fait advenir ce qu’il énonce. Il en est de même pour l’administration des sacrements. Ainsi il peut absoudre réellement le pécheur qui se confesse à lui : Ego te absolvo, etc. Pouvoir énorme, ouvrant la porte à tous les chantages : Louis XIV lui-même tremblait devant son confesseur !
On comprend pourquoi alors les victimes d’un personnage si imposant et si à part des autres, tel qu’il leur a été présenté par l’éducation qu’ils ont reçue, ont pu être sidérées devant les crimes qu’il a commis, étant à mille lieues de se douter que de tels faits puissent se produire. Et cela explique pourquoi il y a eu réticence au départ à dénoncer ces crimes, puis retard à le faire pouvant entraîner leur prescription.
Ces crimes ayant été commis du fait de la projection aveuglée des victimes sur leurs bourreaux, du crédit dévotionnel qu’elles leur ont accordé, le meilleur moyen de s’en prémunir à l’avenir est me semble-t-il de désacraliser la figure du prêtre, et de faire voir en lui un homme comme les autres.
Je ne sais si l’Église catholique y est prête. Si elle le fait, elle fera une seconde Réforme. On sait que Luther défendait l’idée d’un sacerdoce universel : pour lui, tout chrétien baptisé était prêtre. Il est plus digne, me semble-t-il, d’assister un compagnon de route, que de l’éblouir par les miracles, dont Jésus lui-même n’a pas voulu lors de sa Tentation au désert, encore plus si on met ce pouvoir au service de ses penchants les plus pervers.
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