Ce peut être le fait de confier à un tiers la charge d’exprimer, à notre place, nos propres idées. Un exemple insolite vient d’en être donné par le fondateur de la plateforme #Wistand (We stand : « Nous prenons position », en anglais), qui propose à ceux qui voudraient manifester leur mécontentement sur un sujet qui leur tient à cœur, mais qui ne peuvent pas se rendre physiquement au lieu de la manifestation du fait de l’éloignement, de payer un « messager » pour aller manifester à leur place. Le messager reçoit les instructions de son commanditaire par smartphone et leur obéit en temps réel. Il peut même porter un T Shirt ou une banderole (payants) selon le désir de ce dernier. La prestation est facturée 15 euros de l’heure, et le fondateur prend 20% de commission sur chaque transaction. Il affirme que Wistand est « l’équivalent du vote par procuration, appliqué aux manifs ». (Source : AFP, 03/05/2019).
Je savais déjà qu’on pouvait payer des personnes pour faire la queue à notre place dans les administrations où l’attente est longue, au point que certains y trouvent un dérisoire moyen de subsistance. Mais une chose est de simplement gagner du temps dans ce cas, et une autre est de confier à un inconnu le soin d’exprimer son opinion, qui doit relever de l’intimité de chacun. Le cas de la procuration électorale est exceptionnel, et se justifie par l’incapacité où l’on est de voter, pour des raisons médicales ou professionnelles. On y sait à qui on fait confiance, et le bulletin écrit n’est pas l’expression orale.
Sans aucun doute ce sont les cortèges des gilets jaunes qui ont suscité cette initiative. Je doute qu’elle réussisse dans ce cas. D’une part parce que les gilets jaunes sont pour une démocratie directe et refusent l’idée de représentation, et de l’autre parce que le prix demandé pour cette prestation est inaccessible pour ceux dont le mécontentement initial venait de la difficulté à boucler les fins de mois.
Wistand est pour son concepteur un « nouvel outil qui redonne une voix à la majorité silencieuse ». Mais c’est surtout une nouvelle façon de faire de l’argent. Dans les périodes troublées il y a toujours des profiteurs. C’est le cas ici. Le danger est double : déposséder les gens de leur capacité d’intervenir directement en ce qui concerne leurs propres affaires, les déresponsabiliser. Et truquer la validité des manifestations en subordonnant leur poids et leur authenticité à la seule puissance aujourd’hui admise, celle de l’argent.
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