Le Vatican vient de publier un texte qui rejette la « théorie du genre ». Intitulé Il les créa homme et femme, il est destiné à aider les enseignants des écoles catholiques à contrer cette « idéologie » qui, selon l’instance religieuse, « nie la différence naturelle entre un homme et une femme » (Source : Le Monde avec AFP, 11/06/2019).
On sait que beaucoup distinguent le sexe biologique, hérité et auquel on ne peut rien, et le genre, qui est culturellement déterminé, variable donc, et qui par conséquent peut être choisi par l’individu. C’est contre cette théorie que s’élève le document vaticanesque.
Je ne m’engagerai pas sur le fond philosophique de la question, mais je m’en tiendrai à l’examen des mots. La formule choisie comme titre (Il les créa homme et femme) renvoie à Genèse 1/27 : « Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa ; mâle et femelle il les créa. »
J’ai choisi exprès cette traduction de la TOB : mâle et femelle. Elle est tout à fait conforme aux mots du texte initial, alors que la traduction de la Bible de Jérusalem (homme et femme) n’est pas exacte. Dans la Vulgate par exemple on lit : masculum et feminam, et non pas : virum et mulierem. Il s’agit bien de sexe, dans le sens tout à fait biologique du terme.
Maintenant il me semble que cette formule peut être comprise tout autrement que ne l’ont fait les rédacteurs du document susdit : dans le sens d’une androgynie initiale et toujours potentielle de l’être humain.
Dans Le Banquet de Platon Aristophane prétend que les êtres humains à l’origine étaient androgynes, cumulaient les deux sexes. Puis les deux moitiés en furent séparées, mais elles continuèrent à vouloir se réunir l’une à l’autre. Je ne sais si ce mythe a pu influencer le texte biblique, mais le résultat est là : et si dans ce premier récit de création il y avait mention d’une indifférenciation des sexes qui justifierait, avec quel paradoxe !, la « théorie du genre » ?
L’embryogénèse humaine montre bien d’ailleurs une différenciation sexuelle bien postérieure à la conception. Les organes sexuels masculins par exemple n’apparaissent que tardivement, au point que certains disent que la femme n’est pas née de l’homme, comme dit le second récit de création à propos d’Ève tirée d’Adam, mais que c’est plutôt l’inverse qui est vrai.
Qu’il est donc dangereux de s’autoriser, pour défendre des réflexes apeurés, de textes si ambigus !

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