On peut réfléchir sur cette notion à partir de la mésaventure de Benjamin Griveaux, qui vient de renoncer à sa candidature à la mairie de Paris à cause d’une vidéo à contenu sexuel le concernant et publiée sur Internet. Évidemment il y a dans cette affaire une influence des mœurs qui nous viennent des États-Unis d’Amérique. On y exige d’un candidat à une fonction publique qu’il soit exemplaire aussi dans sa vie privée : si par exemple il a trompé sa femme, on pense qu’il trompera aussi le peuple.
Cette ambition d’une totale transparence, qui mêle allègrement public et privé, a été bien résumée par Éric Schmidt, ancien patron de Google : « Si vous voulez qu’une chose ne se sache pas, peut-être serait il mieux de commencer par ne pas la faire. » La perspective qui s’ouvre alors est totalement terrifiante. On est proche de 1984 d’Orwell : Big Brother is watching you. Comme lui, les internautes vous regardent et épient vos moindres faits et gestes.
Notre ex-candidat aurait pu contre-attaquer, dire par exemple qu’il n’a rien fait de répréhensible. L’adultère chez nous n’est plus une faute pénale depuis la loi du 11 juillet 1975. Quant au « péché d’Onan », il n’est vu à l’origine que comme un gaspillage de semence refusant la procréation, rien de plus (Genèse 38/9). Pensons par exemple à Diogène, qui sans pudeur aucune s’y livrait en public pour provoquer ses contemporains et critiquer leurs préjugés.
En vérité, l’ex-candidat a succombé à cause évidemment d’un complot politique, mais aussi sous les coups d’un ordre moral toujours présent dans les esprits, et défendant des positions non pas laïques mais religieuses. La condamnation de l’adultère fait bien partie des Dix Commandements bibliques, et l’onanisme est devenu effectivement chez nous un péché, traqué en tant que tel dans les confessionnaux. On voit bien les effets catastrophiques de sa condamnation dans le film Le Ruban blanc, de Michael Haneke.
Au fond, l’ex-candidat peut être critiqué, non pas pour adultère ou offense aux bonnes mœurs, mais pour avoir eu la sottise d’envoyer la vidéo en question. Tout ce qu’on poste de cette façon demeure indéfiniment, peut être récupéré, et sur Internet il n’y a pas de droit à l’oubli.
Prenons garde enfin que si curée, hallali, lynchage continuent de se déchaîner sur les réseaux sociaux, et la haine de s’y déverser sans une once de réflexion, cela peut faire le lit d’une dictature populiste.

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