Le tragique des rencontres
... Il ne sert à rien de se lamenter sur la solitude. Il faut voir clairement, lucidement (et la sagesse est ici la vision lucide des choses, toutes illusions écartées), que dans la vie on est seul. Pourquoi ? En particulier, et c’est le tragique des rencontres, parce que les êtres ne se trouvent pas en face les uns des autres avec les mêmes désirs et attentes au même moment. On peut le regretter, mais c’est ainsi.
Par exemple, Proust dit quelque part que lorsqu’enfin il s’élançait vers ses parents plein d’amour et de bonnes résolutions pour l’avenir, c’est ce moment-là précisément que ses parents choisissaient pour lui reprocher une peccadille dont il s’était rendu coupable à tel moment du passé, et dont il ne se souvenait plus. J’ai parlé tout à l’heure de l’absence d’harmonie préétablie entre les êtres : on en a là un bon exemple.
Si par exemple aussi on a déjà subi une déception amoureuse, on peut en rester aigri et désenchanté. On pourra refuser alors l’amour naïf et réellement pur d’un être novice dans cette expérience, et saccager cruellement ses illusions, jusqu’à causer son suicide. C’est le sujet du film de Kieslowski Brève histoire d’amour, inspiré d’un des commandements du Décalogue : « Tu ne seras pas luxurieux ».
L’idéal serait que les êtres se rencontrent au même point d’évolution personnelle dans la vie. Mais ce n’est pas le cas, et ce décalage, cette dysharmonie chronologique fait le tragique de bien des histoires. Qui a été détruit, détruit à son tour. Tant il est vrai que, comme dit Musset, on ne badine pas avec l’amour ! ...
commenter cet article …