Celui auquel nous sommes confrontés par la pandémie du coronavirus peut faire réfléchir sur la sociabilité de l’homme. Tout le monde convient qu’il est un animal social, et que l’Ecclésiaste a raison de dire : « Malheur à l’homme seul ! ». Cependant l’enfermement où beaucoup sont condamnés peut mener à des catastrophes. On a vu chez certains confinés dans un petit logement des disputes, des coups, et même des demandes de divorce. Cela pourrait donner raison au mot de Sartre : « L’enfer c’est les autres ».
Étrange chose que l’homme ! D’une part il cherche le contact avec les autres, mais de l’autre ce contact peut être si problématique qu’il cherche à s’en délivrer. Schopenhauer compare les hommes à des porcs-épics. Quand ils ont froid ils cherchent à se réchauffer en rapprochant des autres. Mais ce faisant ils se piquent et se blessent, et donc ils doivent s’éloigner, au risque d’avoir à nouveau froid et de vouloir à nouveau se rapprocher, et cela sans fin. Ainsi l’être-sans cherche l’être-avec, mais ce dernier a de nouveau le regret de l’être-sans. Cette valse permanente est le lot de bien des vies, et de bien des couples. « Ni avec toi, ni sans toi » entend-on à la fin de La Femme d’à-côté de Truffaut.
La leçon est que chacun doit trouver un moyen de s’appartenir, qui est littéralement se tenir à part, et donc qu’il doit avoir dans chacune de ses journées un lieu et un temps de solitude. Sans aller peut-être jusqu'au Toi sans toit, ou une maison avec deux ailes, avoir par exemple au moins, comme disait Virginia Woolf, une chambre à soi.
En général il faut dans toute relation éviter la promiscuité. Écoutons les conseils de Gibran dans Le Prophète : « Versez-vous à boire, mais ne buvez pas dans le même verre ». Deux arbres plantés trop près l’un de l’autre ne poussent pas bien, il faut de l’espace entre eux pour qu’ils puissent s’épanouir. Relisons aussi la définition de l’amour que donne Rilke sans ses Lettres à un jeune poète : « Deux solitudes qui se protègent, se bornent et se rendent hommage. »
La fusion avec l’autre, de type romantique par exemple, n’existe pas. Les êtres sont fondamentalement solitaires, même s’ils ont du mal à l’admettre, et cette solitude doit être respectée. S’il est vrai qu’on ne peut pas vivre totalement à part des autres, et que l’isolement est une mauvaise chose, il reste que la socialisation a des règles qu’on ne peut oublier, dont la principale est la garantie pour chacun de son espace vital. À quoi contrevient pour certains, hélas !, le fatal confinement actuel.


***
Retrouvez tous mes articles de Golias Hebdo, publiés en plusieurs volumes, sous le titre Des mots pour le dire, chez BoD. Sur le site de cet éditeur, on peut en lire un extrait, les acheter... Cliquer : ici.
Notez qu'ils sont aussi tous commandables en librairie, et sur les sites de vente en ligne (Amazon, Fnac, etc.).
commenter cet article …