On peut en tirer une de la pandémie actuelle due au coronavirus. Il est en effet des cas où, comme dit Hölderlin, là où est le danger, croît aussi le remède. Et le même idéogramme chinois signifiant crise indique à la fois un danger qui menace, et une occasion à saisir.
Spontanément nous nous sentons immortels. Mais si nous touchons du doigt la survenue possible pour nous de la mort, alors tout change. Ce n’est plus un simple mot lointain et ne nous concernant pas, mais une présence potentielle, une vraie réalité posée devant nous.
Que nous dit alors cette expérience ? Toute notre civilisation est matérialiste, basée sur la cupidité individuelle et l’acquisition de biens, ce qui cause la destruction de notre planète surexploitée. Mais si l’on y réfléchit un tant soit peu, on voit bien qu’un linceul n’a pas de poches, et qu’il ne sert à rien d’être le plus riche du cimetière.
Puissent donc nos contemporains, maintenant confinés chez eux ou errant dans des rues semi-vides, comprendre que la frénésie de s’enrichir, la soif détestable de l’or (auri sacra fames), ne tiennent pas devant la Camarde ! Et puissent nos économistes distingués comprendre que le taux de croissance ou le PIB ne sont rien devant le trou noir ultime !
Telle me semble être la leçon, salutaire en bien des sens, de ce virus. Une crise, c’est aussi, comme dit le mot en grec (krisis), un jugement. C’est ici toute notre vie qui se trouve jugée. Comprenons qu’elle doit être bien plus sobre et frugale que celle que nous avons menée jusqu’ici. Décroissance et déconsommation ne doivent plus être des vilains mots. Les Vraies richesses, selon le mot de Giono, ne sont pas où on les croit. Elles sont à la portée de chacun, s’il sait les saisir, et non pas dans un portefeuille d’actions ou dans la spéculation capitaliste.
Tout cela vient de s’effondrer comme un château de cartes. Preuve que ce colosse avait des pieds d’argile, et sa pulvérisation est bien instructive. Si je croyais à une finalité, une prédétermination quelconque des choses, je dirais que la catastrophe ne pouvait pas ne pas arriver. En tout cas elle vient à point.
Bien sûr, j’ai bien peur que quand la crise sera passée, on remette les pieds dans les anciennes traces. On continuera de faire de l'argent et des affaires, comme d’habitude – Business as usual... On ne change pas, dit-on, la nature humaine. Mais au moins faut-il prévenir, quitte, comme Cassandre, à ne pas être cru.

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