Il paraît que 7,3 millions de Français prévoient de revendre leurs cadeaux de Noël, soit près d’une personne sur 5... Je me demande si cet échange traditionnel de cadeaux n’est pas une habitude simplement formelle, dépourvue de vraie signification.
Il est vrai qu’elle fait marcher le commerce, accentue la circulation des marchandises et de l’argent. Mais quel profit humain tirer de cet échange purement mécanique ? Il devient signe, et signe pur : le sens s’en évanouit.
Celui qui reçoit un cadeau doit y voir une intention vraie de faire plaisir, et y être sensible. S’il veut le revendre, c’est que cette intention n’est plus perçue, ou passe pour lui au second plan, derrière celle de se faire plaisir à soi-même. Vision et pratiques totalement égocentrées. L’autre n’est plus vu en tant que tel, plus respecté, plus digne de reconnaissance. À quoi sert alors de garder la pratique, si l’intention d’une complicité humaine en à cette occasion n’est plus vue ?
« La lettre tue, et l’esprit vivifie » : cette phrase de l’apôtre Paul (2 Corinthiens 3/6) est essentielle. L’échange purement formel des cadeaux appartient au seul domaine de la lettre. L’esprit en est absent. Et la réflexion aussi. Faire quelque chose machinalement, sans y associer une intention, c’est comme ne pas la faire. Je pense ici à un logion du Codex de Bèze qui n’a pas été retenu dans le texte reçu. Il a occupé C.-G. Jung toute sa vie, et on peut y voir un « verset satanique » des évangiles : « Le même jour, voyant un homme travaillant le jour du sabbat, il lui dit : ‘Si tu sais ce que tu fais, tu es heureux. Mais si tu ne le sais pas, tu es maudit et transgresseur de la loi.’ » (Luc 6/4) Autrement dit, il ne faut pas faire sans savoir ce qu’on fait, sans attacher à ce qu’on fait l’intention nécessaire pour que l’action soit pleine de sens, ou nous en donne l’impression.
On dira qu’il suffit de respecter Noël, ou les usages attachés par convention à telle ou telle date. Je n’en suis même pas sûr. Nous pouvons faire des cadeaux à tel ou tel moment qui nous convient, pourvu que nous donnions au cadeau son vrai poids d’humanité. Ne soyons pas ces « sépulcres blanchis » anathématisés par Jésus (Matthieu 23/27) : ils observent des rites, mais ne savent pas vraiment ce qu’ils font.
À vous donc qui vous demandez comment respecter les fêtes, et comment éviter le psychodrame qui leur est souvent attaché, je répondrai que vous pouvez faire qu’elles le soient vraiment et méritent leur nom, à n’importe quel moment de l'année : « Que votre volonté soit fête ! »
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