Dans le champ philosophique et social, il me semble préférable à toute forme de particularisme. Lorsque les penseurs du Siècle des Lumières chez nous ont élaboré la charte des Droits de l’Homme, ils visaient ceux de l’être humain en général, par-delà tout ce qui peut le spécifier : couleur de peau, idiotisme culturel, etc. Ces droits devaient valoir pour tous sans exception. Nous héritons de cette Déclaration universelle et notre modèle républicain est universaliste, et non pas spécificateur.
Mais il n’est pas éternel, et depuis pas mal de temps on voit se dessiner chez nous des tendances communautaristes, à propos desquelles un projet de loi est actuellement en discussion. L’air du temps aussi en général va dans cette direction, et chacun, plutôt qu’égal en droits aux autres, peut d’abord s’en vouloir et affirmer différent.
Cette orientation spécificatrice couvre tous les domaines. La tendance même à ce qu’on appelle aujourd’hui l’inclusion, où on peut voir en principe une bonne chose, est forcément spécificatrice, c’est-à-dire séparante, divisante. Ainsi les « Droits de l’Homme » étant (mal) compris comme étant les droits du mâle, on en oublie la portée générale et neutre, et pour y inclure le féminin on parle des Droits humains. L’écriture inclusive fait de même, en oubliant que des mots qu’on voit masculins peuvent être en fait généraux et neutres. Si j’écris : « les citoyen.e.s », je distingue forcément les hommes et les femmes, je perds la vision de l’ensemble des citoyens. On pensait mieux faire en distinguant les sexes, on ne fait que les opposer, et rompre l’unité égalitaire du corps social.
Je viens d’apprendre qu’une romancière néerlandaise de talent reconnu qui devait traduire la poétesse Amanda Gorman, la jeune star noire mise en lumière lors de l’investiture du président états-unien Joe Biden, a finalement renoncé à honorer son contrat, les réseaux sociaux s’étant déchaînés au motif qu’on aurait dû choisir pour cette tâche un traducteur noir. (lefigaro.fr, 02/03/2021)
On croit rêver. Comme si le monde intérieur d’un écrivain, sa sensibilité, sa façon de manier la langue, étaient différents selon que ce dernier est blanc ou noir ! Cette décision montre bien la défaite de l’universalisme face au communautarisme spécificateur, ainsi que l’état actuel des esprits. Je ne suis pas loin d’ailleurs de voir là un trait de racisme anti-blanc.
Souvenons-nous de ce que disait Térence : « Je suis homme, et je pense que rien d’humain ne m’est étranger. » Et souvenons-nous aussi de ce que chantait Nougaro à propos de Louis Amstrong : « Au-delà de nos oripeaux / Noirs et blancs / Sont différents / Comme deux gouttes d’eau ! »
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Ce texte va paraître dans le journal Golias Hebdo. D'autres textes comparables figurent dans l'ouvrage suivant, premier tome d'une collection, dont on peut feuilleter le début (Lire un extrait), et qu'on peut acheter sur le site de l'éditeur (Vers la librairie BoD). Le livre est aussi disponible sur commande en librairie, ou sur les sites de vente en ligne.

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DESCRIPTION
Les textes composant cet ouvrage sont tous parus, sous leur forme initiale, dans un journal hebdomadaire. Souvent inspirés par l'actualité, ce qui les rend plus vivants, ils ont cependant un contenu intemporel, et se prêtent toujours à une réflexion philosophique. Ils peuvent servir de points de départ pour la réflexion individuelle du lecteur, mais aussi ils peuvent alimenter des débats thématiques collectifs (cours scolaires, cafés-philo, réunions de réflexion...).
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