J’ai entendu au Journal de 13 H de France Inter, le 03/05/2021, Vincent Peillon, philosophe et ancien ministre de l’Éducation de François Hollande, parler de son livre Une théologie laïque ? Il a bien souligné qu’initialement la laïcité n’impliquait pas un athéisme, comme chez certains laïcistes ou laïcards, mais simplement « un acte de foi dans l’efficacité morale et sociale de la raison. »
Il a rappelé qu’il a introduit dans l’Éducation un enseignement moral et civique. En fait ce dernier avait sans doute été abandonné, mais il existait depuis longtemps. Je puis en attester, car je suis fils d’instituteurs de l’enseignement public. Chaque matin de classe s’ouvrait sur une petite leçon de morale, où ce qu’on enseignait n’était que la morale kantienne appliquée à de petits cas concrets – et cette morale, comme Schopenhauer l’a bien vu dans Le Fondement de la morale, n’est que la vieille morale judéo-chrétienne déguisée : l’« impératif catégorique de la raison pratique » ne fait que reprendre, en réalité, les Commandements du Décalogue.
Les fondateurs de la laïcité voyaient la religion comme un lien social, un ciment qui assure la cohésion d’un groupe. Sur ce point je me sépare de l’ancien ministre, qui a parlé de « l’étymologie du mot religion » (au singulier). Mais ce sont les auteurs chrétiens, comme Lactance et Tertullien, qui ont rattaché religion à relier (religare). D’autres cependant, comme Aulu-Gelle et surtout le grand Cicéron, l’ont rattaché à relegere, recueillir et relire. Anthropologiquement parlant, cette seconde étymologie est à mon avis plus intéressante.
En effet, le lien social peut toujours être imposé de l’extérieur, et la fusion dans un groupe ne nécessite pas forcément d’examen critique. Tandis que la relecture d’un héritage reçu suppose toujours une prise de conscience et un regard libre. C’est l’opposition que font les Allemands entre la Culture héritage (Kultur), et la Culture formation de soi par soi (Bildung). On peut si on veut parler de religion dans le premier cas, et dans le second de spiritualité. Le poisson dans son bocal est moins libre que celui qui nage dans le vaste océan.
La laïcité ne fait donc pas obstacle, comme le disent certains aujourd’hui, à la liberté individuelle de croire. Simplement cette liberté doit inclure celle de douter. Comme disait Alain : « Ne pas empêcher les autres de croire, mais empêcher de se croire. »
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Ce texte est à paraître dans le journal Golias Hebdo. Il figurera dans une collection dont fait partie l'ouvrage suivant en tant que premier tome. On peut en feuilleter le début (Lire un extrait), et on peut l'acheter sur le site de l'éditeur (Vers la librairie BoD). Le livre est aussi disponible sur commande en librairie, ou sur les sites de vente en ligne.

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DESCRIPTION
Les textes composant cet ouvrage sont tous parus, sous leur forme initiale, dans un journal hebdomadaire. Souvent inspirés par l'actualité, ce qui les rend plus vivants, ils ont cependant un contenu intemporel, et se prêtent toujours à une réflexion philosophique. Ils peuvent servir de points de départ pour la réflexion individuelle du lecteur, mais aussi ils peuvent alimenter des débats thématiques collectifs (cours scolaires, cafés-philo, réunions de réflexion...).
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