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après un sondage récent, 77% des Français sont pour l’apprentissage de la Marseillaise à l’école.
La musique martiale en fait sans doute oublier les paroles, qui sont celles d’un hymne belliqueux, sanguinaire et raciste (le « sang impur » !) : il n’adoucit pas forcément les mœurs.
Bien sûr on nous dit qu’il faut contextualiser : c’est d’une violence fondatrice, celle de la Révolution, que vient notre pays, et c’est au maître de l’expliquer aux élèves. Aussi la cohésion nationale est ici en jeu, et sans doute ne faut-il pas être trop regardant sur les paroles, pourvu qu’on les chante à l’unisson, pour souder et galvaniser le groupe.
Tout de même, on aurait pu il me semble chercher autre chose, et certains pays ont des hymnes plus doux, voire bucoliques : beaucoup par leur origine sont des chants de recueillement, et n’invitent pas forcément à doublement marcher pour aller égorger son voisin.
Au fond, la musique qui fait aller au pas ne se soucie guère du message : elle est un massage, et le rythme qui nous fait frissonner se suffit à lui-même. Il emporte toute raison : la transcendance collective l’emporte sur l’individu.
C’est le cas en général de la transe et de la danse, qui à y bien regarder sont terrifiants : voyez les rassemblements de musique techno, par exemple. Le corps s’agite mieux quand la tête est vide, et s’assourdit de décibels. L’instrument qui fait le plus de bruit est le plus creux : la grosse caisse.
L’ont bien compris aussi les fondamentalistes religieux, et par exemple les évangéliques d’aujourd’hui. Au son de la musique et du rythme, ils font passer le fond le plus traditionnel : en christianisme, par exemple, la vertu salvatrice du sacrifice expiatoire, qui existe certes dans d’anciens textes, mais qu’on pensait dépassée par une approche théologique plus moderne. Cela fonctionne très bien chez les jeunes, que cette musique séduit précisément parce qu’elle empêche de penser.
Ces mouvements, qui ont aujourd’hui le vent en poupe, ont changé la forme de l’ancienne construction religieuse, mais gardé le fond, à l’inverse exact d’une pensée plus libérale et plus mûrie, qui a pu encore garder la première, par habitude de cadre, mais a changé le second. Cependant il serait dommage que désormais l’émotion et le trémoussement l’emportent sur la réflexion.
3 décembre 2009
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Ce texte est paru en son temps dans le journal Golias Hebdo. Il figure maintenant, avec d'autres textes comparables, dans l'ouvrage suivant, premier tome d'une collection, dont on peut feuilleter le début (Lire un extrait), et qu'on peut acheter sur le site de l'éditeur (Vers la librairie BoD). Le livre est aussi disponible sur commande en librairie, ou sur les sites de vente en ligne.

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DESCRIPTION
Les textes composant cet ouvrage sont tous parus, sous leur forme initiale, dans un journal hebdomadaire. Souvent inspirés par l'actualité, ce qui les rend plus vivants, ils ont cependant un contenu intemporel, et se prêtent toujours à une réflexion philosophique. Ils peuvent servir de points de départ pour la réflexion individuelle du lecteur, mais aussi ils peuvent alimenter des débats thématiques collectifs (cours scolaires, cafés-philo, réunions de réflexion...).
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