Celle que vient de recevoir notre Président lors d’une visite en province fait beaucoup réfléchir.
D’abord d’un point de vue politique on constate une crise de la démocratie représentative et un désir de plus en plus affirmé des citoyens, qui ne s’y voient pas reconnus, d’une participation directe à leurs propres affaires : en somme, une victoire des idées de Rousseau sur celles de Montesquieu.
Le danger de la démocratie directe est celle d’un contrôle constant des décisions, la généralisation du référendum avec le risque du plébiscite, l’apparition de tribunaux populaires à pouvoir révocatoire étant l’aboutissement, déjà connu dans l’Histoire, de cette tendance.
On sait que le primat de l’affect et du réflexe sur la réflexion fait le lit de tous les populismes. Internet et les réseaux sociaux est le lieu où s’affrontent des bulles ou des niches idéologiques, monades refermées sur elles-mêmes, autoproclamées omniscientes, très souvent paranoïaques et complotistes, défendant leurs idées sans égards et sans merci pour les autres. Que donc certains politiques s’exhibent de façon irréfléchie sur les réseaux sociaux contribue évidemment à la désacralisation de leur fonction. Et au fond, à la dégénérescence de la démocratie en ochlocratie, ou gouvernement de la foule ou de la populace.
Mais le problème soulevé par la gifle présidentielle dépasse la sphère du politique, pour concerner la société tout entière. Un individualisme exacerbé la caractérise, le citoyen n’a plus la vision générale du bien public, et l’usager devient un client. Les anciens corps intermédiaires, comme les syndicats, les associations de l’engagement bénévole, sont boudés. L’utilitarisme et le consumérisme triomphent. Et chacun, de façon totalement décomplexée, s’arroge le droit de tout juger, confond autorité et autoritarisme, conteste tout pouvoir et sa manifestation. Ainsi des parents d’élèves à qui on a laissé trop de place veulent se substituer aux enseignants. Les pompiers sont caillassés. Les responsables des services d’urgence dans les hôpitaux sont agressés. Les élus de proximité aussi, etc.
Il est peut-être beau de vouloir comme notre président « aller au contact ». Mais le Roi est bientôt nu, et la violence n’est pas loin. « Les dieux, dit René Char, ne meurent que d’être parmi nous. »
Finalement, entre la gifle et Mad Max, ou Orange mécanique, il y a seulement une différence de degré, et non de nature.
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Ce texte est à paraître dans le journal Golias Hebdo. Il figurera dans une collection dont fait partie l'ouvrage suivant en tant que premier tome. On peut en feuilleter le début (Lire un extrait), et on peut l'acheter sur le site de l'éditeur (Vers la librairie BoD). Tous les livres de la collection sont aussi disponibles sur commande en librairie, ou sur les sites de vente en ligne.

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DESCRIPTION
Les textes composant cet ouvrage sont tous parus, sous leur forme initiale, dans un journal hebdomadaire. Souvent inspirés par l'actualité, ce qui les rend plus vivants, ils ont cependant un contenu intemporel, et se prêtent toujours à une réflexion philosophique. Ils peuvent servir de points de départ pour la réflexion individuelle du lecteur, mais aussi ils peuvent alimenter des débats thématiques collectifs (cours scolaires, cafés-philo, réunions de réflexion...).
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