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a presse s’est fait récemment l’écho d’expositions de véritables cadavres, plastifiés par les soins d’un anatomiste allemand, dans un but présenté comme pédagogique. Maintenant interdit en France, ce genre de manifestation a lieu encore à Berlin, où l’on montre même des cadavres en train de copuler !
La mort est une langue étrangère, en ce sens qu’on ne sait rien d’elle, ni s’il y a quelque chose après, ni s’il n’y a rien. Ce qui nous est montré ici par conséquent, la réalité purement matérielle de ce qui reste quand la vie a disparu, ne l’épuise pas. Ne serons-nous vraiment que cela, quand nous passerons sur l’autre rive, dont personne n’est jamais revenu pour nous dire ce qu’on y trouve ?
La sagesse serait ici d’accepter l’ignorance. La mort n’est pas que ce que nous en voyons. Et quand elle nous atteint, nous ne nous réduisons pas à elle. Il y a barbarie à la ramener au cadavre, au seul trépas, à quoi de telles expositions nous exposent.
De toute façon ce voyeurisme malsain est pris dans le grand circuit mercantile, où on fait argent de tout. On soupçonne que tels cadavres exposés sont ceux de condamnés à mort en Chine. Pourquoi alors ne pas en revenir aux exécutions publiques, et même payantes ?
Il se peut aussi que donner son corps à exposer ainsi soit pour certains une ressource financière, ou une façon d’éviter les frais des funérailles, ou une manière tout à fait irrationnelle de survivre et d’éviter la pourriture dans la terre, ou l’évaporation en fumée de l’incinération.
Obscène, cette spectacularisation est aussi morbide. Car respecter les morts, ce n’est pas les avoir constamment sous les yeux, c’est se séparer d’eux, ne plus vivre à leur contact, les « tuer » comme on dit en Afrique, c’est-à-dire les transformer en ancêtres, qu’on ne voit plus mais auxquels on pense. La vie est à ce prix.
On leur affecte un jour dans l’année, le lendemain de la Toussaint chez nous, et ensuite on revient à la vie. Sinon on est un mort-vivant, un vampire : celui que la mort possède encore, et empêche de vivre. Pareille obsession possède le héros du film de Truffaut La Chambre verte, ainsi que celui de Dracula, de F-F. Coppola.
Ce n’est pas pour rien que l’Église, qui condamne le divorce, admet le remariage des veufs ou des veuves : une fois le deuil fait, ils peuvent se réinsérer dans le grand circuit de la vie, s’arracher à l’obsession de l’être perdu, si cher leur ait-il été.
Il y a danger à avoir une vision trop proche et constante de la mort. Il y a des tâches plus urgentes. S’il faut donc laisser les morts enterrer les morts (Matthieu 8/22 ; Luc 9/60), laissons les morts-vivants maintenant plastifier les cadavres…
14 mai 2009
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Ce texte est extrait de mon dernier recueil d'articles Petite philosophie de l'Insolite. L'ouvrage est disponible en deux formats, papier et livre électronique (E-Book). On peut en feuilleter le début en cliquant ci-dessous sur : Lire un extrait. On peut le commander sur le site de l'éditeur en cliquant sur : Vers la librairie BoD. Il est aussi disponible sur commande en librairie et sur les sites de vente en ligne.

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Les textes composant cet ouvrage sont tous parus, sous leur forme initiale, dans un journal hebdomadaire. Ils concernent des sujets d'actualité étranges, bizarres, insolites, souvent amusants, mais se prêtant toujours à un commentaire philosophique. Ils peuvent servir de points de départ pour la réflexion individuelle du lecteur, mais aussi ils peuvent alimenter des débats thématiques collectifs (cours scolaires, cafés-philo, réunions de réflexion...).
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