J’ai entendu avec intérêt ce qu’a dit l’« avocat des libertés » Richard Malka, dimanche 19 septembre dernier, à la fin du Journal de 20 H d’A2. Défenseur notamment de Charlie Hebdo et de Mila (la jeune fille qui a récemment critiqué l’islam), il vient de publier un livre au titre significatif Le droit d’emmerder Dieu (Grasset). S’exprimant ainsi, et vu l’état actuel des esprits, on comprend qu’il vive aujourd’hui protégé par la police.
Il a repris, sans le citer, la phrase d’Alain : « Toutes les personnes sont respectables, mais aucune croyance n’est respectable. » C’est un fait que notre droit punit les offenses faites aux personnes elles-mêmes, mais pas la critique des opinions ou croyances, qui doit être admise au nom de la liberté d’expression. Bien rares sont les pays où cette tolérance existe, et de ce point de vue la France peut être vue comme un phare pour le monde entier.
Mais nous sommes ici sur une périlleuse ligne de crête. En effet beaucoup identifient complètement leur personne avec leur croyance, et attaquer la seconde revient à attaquer la première. Comment faire pour qu’ils prennent une certaine distance par rapport à ce qu’ils croient ?
Il me semble d’abord qu’il faudrait séparer la foi de la croyance. La première est un mouvement de l’âme, un élan vers la confiance, et la seconde un corpus de dogmes, relevant de la pensée et de l’opinion. Le Credo même y invite chez nous. Credo in deum signifie : « Je mets ma confiance en Dieu » (ce que marque l’accusatif latin, cas du déplacement). Et non pas « Je crois que dieu existe » (ce qui serait en latin classique Credo deum esse). À ce moment-là on peut critiquer toutes les opinions (« croire que ») sans que le mouvement lui-même (« croire en ») soit touché.
Mais si cette distinction n’était pas faite, alors il faudrait donner au contenu de la foi une toute autre valeur que factuelle. Il faudrait y voir du pur symbolique, selon l’attitude de ces théologiens musulmans profonds qui voient dans le djihad un combat à l’intérieur de soi, et non pas contre les mécréants. La critique rationnelle ne peut s’adresser qu’à ceux qui voient des réalités dans leurs croyances, et non pas à ceux qui les comprennent par voie d’intériorisation. C’est d’ailleurs le seul moyen possible pour que ces vieux textes puissent vivre encore et nous concerner. J’ai entrepris cette vivification dans mes Fictions bibliques (éd. BoD).
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