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n tout, comme dit le proverbe, il est un défaut. On le voit bien, par exemple, dans les précautions frisant la paranoïa que prennent les professeurs des écoles, pour se prémunir des accusations de pédophilie.
« Les plus petits, dit l’un d’eux, veulent toujours nous faire des bisous le matin. J’esquive en leur apprenant à dire bonjour comme des grands. »
Tel autre laisse exprès la porte ouverte de sa classe, de façon à pouvoir être vu de tous, s’il lui arrive d’avoir à parler en tête-à-tête avec un élève.
Finalement, dit un directeur d’école, « dans ce climat de suspicion générale, il faut bien qu’on se protège. Heureusement, nous pouvons compter sur le personnel féminin. Quand un gamin se fait un bobo dans la cour et qu’il faut lui baisser le pantalon pour lui mettre un pansement, on envoie une femme. » (Source : 20 minutes, 4/5/2015, p.6)
Cette dernière remarque est bizarre, car il y a bien des cas, auxquels on ne pense jamais, de pédophilie féminine. Mais quoi qu’il en soit, on voit à quels excès mène un principe de précaution mal négocié.
On sait pourtant que le mieux est l’ennemi du bien. De la même façon un proverbe latin dit que la pire corruption est celle du meilleur – Corruptio optimi pessima. Ainsi la judiciarisation généralisée des comportements, qui nous vient des États-Unis d’Amérique, mène à une absurde paralysie. Il faudra bientôt raser les murs en ville, et baisser les yeux quand on croise une femme, pour ne pas être accusé de harcèlement sexuel. Ou bien ne pas prendre un ascenseur seul avec elle. Ou encore se garder de caresser la tête d’un enfant dans un jardin public, de peur d’être accusé de pédophilie. Cela passe toute mesure.
Par un étrange paradoxe, plus on parlera des affaires de pédophilie, plus on en signalera, avec évidemment le risque d’une fausse accusation. Car on sait aussi que certains enfants sont fabulateurs, et répètent ce qu’ils entendent dire autour d’eux. Le film d’André Cayatte Les Risques du métier, sorti en 1967, montre un instituteur broyé par les accusations mensongères de ses élèves. La bonne foi des enfants n’est pas en question. Mais que pèse la réalité des faits à côté d’une rumeur collective ?
Article paru dans Golias Hebdo, 28 mai 2015
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