C’est le désir du nouveau, désir que quelque chose arrive dans la vie qui soit différent de ce qu’on connaît jusque là. Ce peut être la meilleure des choses, mais aussi la pire.
C’est à quoi j’ai pensé en regardant le film documentaire Magda Goebbels, la première dame du iiie Reich (LCP, 04/10/2021). On y voyait le destin d’une jeune femme moderne et cultivée, qui fut membre de la haute société et mena une vie de fête, qui devint par une conversion soudaine une nazie fanatique, jusqu’à devenir un des derniers soutiens d’Hitler lui-même, aux côtés de qui elle se donna la mort dans son bunker, en compagnie de son mari et après avoir empoisonné ses six enfants.
Cette conversion monstrueuse est-elle inexplicable ? Le film montrait bien que la motivation du basculement n’était pas l’ambition ou le carriérisme. En fait cette grande bourgeoise était lassée du vide de son existence et désespérément en quête d’une cause à défendre. Elle portait le nom de son beau-père juif, Friedlander, et dans sa jeunesse elle fut amoureuse d’un intellectuel sioniste dont elle épousa la cause. Le virage total qu’elle opéra en faveur du nazisme montre une personne éprise d’un idéal que sa vie ne pouvait combler. Que l’idéal qu’elle choisit ait été le pire est une autre question. Elle en cherchait un, quel qu’il fût.
On peut donc se ranger aux côtés de la barbarie par dégoût de la vie qu’on a et qu’on condamne avec une grande lucidité. Ce basculement à l’opposé, Jung l’a appelé énantiodromie. De la même façon, un Céline chez nous a basculé dans les pires imprécations après avoir montré que la vie n’était qu’un universel « bousillage ». On peut bien partager son point de départ, sans évidemment adhérer à son point d’arrivée.
L’Apocalypse dit : « Voici, je fais toutes choses nouvelles. » Le programme nazi ne disait pas autre chose. Si donc les plus belles espérances et les ambitions les plus sinistres se formulent de la même façon, il convient d’être très circonspect sur une néophilie qui est souvent réactionnelle à l’insatisfaction que procure le présent. D’origine émotionnelle, il faut la modérer par la raison.
En tout cas ces pulsions dangereuses existent en tout être. Défiler, pétitionner ne suffisent pas. Il ne faut pas non plus pratiquer la censure, comme le fait la Cancel Culture aujourd’hui. C'est se donner bonne conscience à peu de frais. Il faut au contraire s’examiner, et se demander si ce basculement ne peut pas aussi nous concerner. Le nouveau ne peut naître que de soi. Gandhi disait fort bien : « Soyez vous-mêmes le changement que vous voulez voir dans le monde. »
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