C’est contre lui que s’est élevé le pape François, dans une intervention du 20 août 2018 : il faut, a-t-il dit, « dire non, de façon catégorique, à toute forme de cléricalisme ». Je pensais donc que la question était entendue, et que cette décision essentielle était actée. Pourtant, lors d’une cérémonie pénitentielle à Lourdes, Mgr Éric de Moulins-Beaufort, président de la conférence des évêques de France a déclaré : « Ô Dieu, pardonne-nous de n’avoir pas compris que le pouvoir que tu nous donnes demande une exemplarité sans faille. » (Source : Cath.ch, 07/11/2021)
Sans doute cet évêque n’a-t-il lui-même rien vu de répréhensible dans ce qu’il a dit, qui a dû lui venir aux lèvres tout naturellement, et je dirai naïvement. Et pourtant c’est bien là que le bât blesse. Par cette simple expression « le pouvoir que tu nous donnes », le clerc est mis à part des autres hommes, par rapport auxquels il est situé en position de supériorité et de domination. C’est donc bien là une réapparition de ce cléricalisme qu’on pensait ou espérait disparu après l’intervention papale. Comme si ce réflexe révélant le goût du pouvoir était si profondément invétéré qu’il peut toujours ressurgir à telle ou telle occasion, même à l’insu de ceux qui peuvent le faire réapparaître.
Jésus n’a pas voulu du pouvoir sur les hommes, si l’on en croit sa Tentation au Désert rapportée dans les évangiles synoptiques : pas plus le pouvoir direct par imposition de la force, que celui, indirect, consistant à éblouir les hommes par des miracles. Le second d’ailleurs, qui touche les âmes, est plus sournois et dangereux que le premier, qui ne touche que les corps. C’est pourquoi la version de Luc termine par lui, pour indiquer qu’il y a là une tentation majeure.
Eh bien, les hommes d’église y ont souvent succombé, et, on le voit, le font encore. Préposés à la thaumaturgie (voyez la transsubstantiation, ou encore l’absolution), leur pouvoir s’y satisfait. Devant lui on ne peut que baisser la tête, comme on le fait à la messe, lors de l’Élévation. Évidemment ce pouvoir miraculeux vient de la projection que font les fidèles sur l’officiant. Comme le dit La Boétie des tyrans : « Ils ne sont grands que parce que nous sommes à genoux. »
Le peuple fidèle grandira lorsque ses pasteurs seront au même niveau que lui : tous simples hommes cherchant Dieu. Mais peut-on faire disparaître chez l’homme le désir de pouvoir, la libido dominandi ?
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