Elle fait désormais l’objet d’une taxe, depuis le 1er août, dans la ville d’Eskilstuna, dans l’ouest de la Suède. Toute personne qui mendie devra payer un permis de mendicité. Pour ce permis de trois mois, il faut débourser 250 couronnes suédoises, soit environ 23 euros. Sans lui, la mendicité est passible d’une amende de 4000 couronnes, soit environ 372 euros. En une semaine, huit permis ont été validés selon le site suédois SVT (Source : huffingtonpost.fr, 06/08/2019)
Évidemment cette mesure a suscité des critiques. Déjà on ne voit pas comment les mendiants, qui n’ont pas de quoi vivre, pourraient payer ce permis. Simplement on leur inflige une double peine, en ajoutant à leur misère l’obligation de l’acheter. Ensuite certains redoutent que des gangs criminels le paient à leur place avant de rançonner les intéressés et de leur demander des remboursements faramineux. C’est effectivement une possibilité.
Mais je crois que là n’est pas le principal grief qu’on peut faire à cette initiative. Son but est de normaliser la mendicité en la bureaucratisant. Et on veut la réguler de cette façon jusqu’à finalement la faire disparaître, quand les mendiants n’auront pas de quoi payer leur permis et ne pourront payer l’amende.
L’intention est peut-être bonne. Mais on ne voit pas comment cette mesure visant à les recenser pourrait « conduire les personnes concernées à entrer en contact avec les services sociaux et les autorités locales », comme le dit le conseiller social-démocrate de la ville.
Méfions-nous des projets philanthropiques. Il faut bien en voir l’hypocrisie. On connaît l’ouvrage généreux De l’extinction du paupérisme de Louis-Napoléon Bonaparte, publié en 1844. Mais ensuite le régime du Second Empire n’a pas hésité à massacrer des pauvres à l’occasion d’émeutes, comme cela est dénoncé dans beaucoup de poèmes des Châtiments de Victor Hugo. Ce fut là une singulière façon d’éteindre le paupérisme !
Singulier de la même façon est le modèle social suédois. Au lieu de se demander d’où vient le dénuement des personnes, et comment on pourrait les aider, on prend acte de leur présence dans un corps social qui fondamentalement les rejette, et on invente un dispositif qui vise à leur disparition. Aucune pitié ou compassion ici. Simple cynisme administratif, et égoïsme foncier.
Mais on ne fait pas tomber la température en cassant le thermomètre.
> Article paru dans Golias Hebdo, 22 octobre 2020
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