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es concours de Mini-Miss sont fréquents aux États-Unis. Chaque parent s’y projette par délégation sur sa progéniture, et c’est à qui remportera le prix qui fera la joie de toute la famille.
Le film de Jonathan Dayton, Little Miss Sunshine, sorti en 2006, traite ce sujet sur un mode satirique, et montre bien qu’il est absurde pour une famille de loosers, telle celle du film, d’y espérer une quelconque revanche sociale. Cela n’empêche pas le maintien de cet usage, et par habituelle contamination, son extension aux pays de la vieille Europe, dont le nôtre. Ainsi chez nous a été créé il y a vingt-quatre ans un comité des Mini-Miss.
C’est pourquoi notre Sénat vient de proposer une mesure législative interdisant les concours de beauté pour les moins de 16 ans, et menaçant les organisateurs de deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende. « Ne laissons pas nos filles croire dès leur plus jeune âge qu’elles ne valent que par leur apparence », a déclaré l’ancienne ministre Chantal Jouanno.
Cependant, vient de se créer un « Collectif des mamans de Mini-Miss en colère », dont la porte-parole déclare : « Les enfants voyagent, s’amusent, apportent du bonheur dans leurs familles avec leurs couronnes et leurs écharpes… Et puis toutes les femmes font tout pour être belles, c’est aussi ça être une femme… » (Source : Télérama, 02/10/13, p.17)
Autrement dit, une femme se réduit à son apparence, ce que précisément la disposition sénatoriale a voulu éviter.
J’ai déjà dénoncé ce diktat de l’apparence en général, qui caractérise toute la modernité. Mais s’agissant plus particulièrement d’une femme, le message lisible en filigrane est évidemment : « Sois belle et tais-toi ! »
Comme d’ailleurs le concours des Miss adultes en général, et même les défilés de mode, cet usage d’appréciation par pesage m’a toujours fait penser aux Comices agricoles de naguère, ou au Salon de l’Agriculture actuel, où l’on juge les bestiaux par leur aspect, l’état de leurs dents, etc. Et ici la chose s’aggrave encore jusqu’à l’obscénité par le fait qu’il s’agit d’enfants.
Qu’est-ce qu’une civilisation, où le seul look ainsi l’emporte sur tout le reste, c’est-à-dire sur l’essentiel ?
> Article paru dans Golias Hebdo, 17 octobre 2013
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Les textes composant cet ouvrage sont tous parus, sous leur forme initiale, dans un journal hebdomadaire. Ils concernent des sujets d'actualité étranges, bizarres, insolites, souvent amusants, mais se prêtant toujours à un commentaire philosophique. Ils peuvent servir de points de départ pour la réflexion individuelle du lecteur, mais aussi ils peuvent alimenter des débats thématiques collectifs (cours scolaires, cafés-philo, réunions de réflexion...).
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