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lle remplace aujourd’hui la supériorité de naguère. Il y a maintenant une volonté d’être connu à tout prix, et d’en tirer le plus grand profit financier possible, sans aucune vergogne. On le voit très bien dans une affaire qui vient d’éclater au Royaume-Uni, et qui laisse rêveur.
Je veux parler de cet adolescent britannique de treize ans qui vient d’être père d’un enfant après sa relation avec une adolescente de quinze. La famille de ce « papa bébé » a voulu monnayer cet exploit, et a vendu les droits d’interview exclusive à tel tabloïd à grand tirage. Le comble dans cette histoire est que d’autres adolescents se disputent maintenant la responsabilité de cette paternité, prétendant eux aussi avoir eu des relations avec la jeune fille.
La leçon qu’on en tirera naturellement est qu’il suffit de faire des bébés, même dans les conditions les plus scabreuses, pour gagner le plus d’argent possible et pour passer à la télé. Aucun scrupule moral ne retient dans ce cas : on n’y voit plus d’abjection.
On connaît le cas d’Érostrate, qui ne supportant pas d’être inconnu incendia une des sept merveilles du monde, le temple d’Artémis à Éphèse. En un sens il a réussi, puisqu’on se souvient encore de son nom ! Et ce dernier fait encore le titre d’une nouvelle de Sartre dans Le Mur.
Les valeurs changent dans l’histoire des hommes. La Référence suprême aussi. Au « Dieu me l’a dit » des périodes religieuses, au « C’est écrit dans tel ou tel livre » des périodes humanistes suivantes, succède maintenant le « Vu à la télé ». L’Évidence a maintenant changé : les vies dansent dans une euphorie aveuglée.
Aujourd’hui, selon le mot d’Andy Warhol, chacun peut avoir son quart d’heure de célébrité. C’est vrai, tout peut arriver. Mais on oublie que quand tout peut arriver, rien n’est intéressant, ne surprend vraiment, ne sort du lot. Toutes choses se banalisent, y compris les pires. Drôle d’époque, que celle où l’on se fait maintenant un motif de gloire de ce dont autrefois on se serait fait un sujet de honte !
Espérons tout de même, mais peut-être sans trop y croire, que les esprits se reprendront un jour, et écouteront de bien anciennes paroles, en admettant qu’elles puissent leur dire encore quelque chose :
« Quels fruits portiez-vous alors ? Des fruits dont vous rougissez aujourd’hui. Car la fin de ces choses, c’est la mort. » (Romains 6/21)
Article paru dans Golias Hebdo, 5 mars 2009
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Cet article est extrait du livre suivant :

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DESCRIPTION
Les textes composant cet ouvrage sont tous parus, sous leur forme initiale, dans un journal hebdomadaire. Ils concernent des sujets d'actualité étranges, bizarres, insolites, souvent amusants, mais se prêtant toujours à un commentaire philosophique. Ils peuvent servir de points de départ pour la réflexion individuelle du lecteur, mais aussi ils peuvent alimenter des débats thématiques collectifs (cours scolaires, cafés-philo, réunions de réflexion...).
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