Invité d’un talk-show à la télévision italienne, le pape François a engagé son intervieweur à faite preuve d’humour, en ajoutant : « C’est un médicament. » Et il a fait mention de la prière de saint Thomas More, qu’il récite, a-t-il dit, depuis plus de 40 ans : « Ne permets pas que je me fasse trop de souci pour cette chose encombrante que j’appelle ‘moi’. Seigneur, donne-moi l’humour... » (Source : franceinter.fr, 09/02/2022)
En disant cela, le pape a fait preuve d’une profonde intuition théologique. L’humour est en effet une preuve de la parfaite transcendance de Dieu. Un proverbe juif dit : « Dieu rit quand l’homme pense. » C’est-à-dire qu’il déjoue toutes nos supputations à son propos. L’esprit de sérieux des hommes, au contraire, fait d’eux des psychorigides, campés sur leurs certitudes, survalorisant aussi jusqu’à la paranoïa leur petit moi, pour reprendre l’expression de Thomas More. Ils affirment constamment, alors que Dieu se plaît à les interroger seulement, pour les ébranler. C’est frappant dans la Bible. Il n’est que de voir le questionnement de Dieu face à Caïn après le meurtre d’Abel, ou bien celui qu’il adresse à Jonas, modèle du parfait psychorigide, sûr de lui et égocentré.
Pour reprendre l’opposition de Bergson dans Les Deux sources de la morale et de la religion, à la pensée close l’humour fait succéder la pensée ouverte. Aux certitudes péremptoires, l’ouverture salutaire du doute. Dans la vie on ne sait jamais, ou jamais on ne sait. Quand Jésus dit à ses disciples d’aimer leurs ennemis, il réserve la part fondamentale d’indécision qu’il faut attribuer à Dieu, « car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et tomber la pluie sur les justes et les injustes. » (Matthieu 5/45) Tous les scénarios souvent simplificateurs et manichéens qui sont le fait des hommes tombent devant cette formule qui est bien, comme le non resistere malo qu’elle contient (ne pas résister au méchant), d’essence humoristique, car profondément paradoxale.
L’humour renverse les hiérarchisations habituelles. Il parle légèrement des choses sérieuses, et sérieusement des choses légères. En cela il agit comme il est dit de Dieu dans la prière du Magnificat : il renverse les puissants de leur trône et élève les humbles (Luc 1/52). Ou encore, dans le même esprit : Les derniers seront premiers, et les premiers seront derniers. (Matthieu 20/16).
Merci en tout cas au pape François ! À l’image de son chef, puisse l’Église toute entière être acquise à la cause de l’humour !
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