C’ |
est aux yeux de tous une grave pathologie, s’opposant à l’état de normalité. Chacun pense qu’il en est préservé.
Mais cette rassurante opposition m’a quitté, quand j’ai lu un intéressant article émanant de médecins américains selon lequel les grandes figures du monothéisme ont souffert de pathologies mentales (Source : Slate.fr, 30/03/2016).
Elles illustreraient parfaitement la phrase du psychiatre Thomas Szasz : « Si vous parlez à Dieu, vous êtes religieux. Si Dieu vous parle, vous êtes psychotique. »
Ainsi d’après l’article en question Abraham incarna-t-il le premier un cas de psychose, manifestée par des hallucinations, à commencer par celle, auditive, qui lui enjoignit de sacrifier son fils à Dieu, délire mystique qui le mena à tenter un passage à l’acte.
Moïse souffrit lui aussi de psychose hallucinatoire chronique, manifestée par exemple dans l’épisode du Buisson ardent. À quoi s’est ajouté un symptôme dit de graphorrhée ou d’impulsivité irrésistible à écrire, visible dans l’épisode des Dix Commandements.
Jésus fut, lui, un bipolaire oscillant entre phases d’exaltation maniaque et phases dépressives, voire mélancoliques, ces dernières accompagnant son choix final d’une mort volontaire, sorte de suicide par procuration, nécessitant pour s’accomplir l’intervention miséricordieuse de Judas.
Paul, lui, fut un hystérique, dont le trouble de conversion ressemble fort à une crise d’épilepsie.
Pour Mahomet, les auteurs de l’article vont jusqu’à évoquer l’hypothèse d’une tumeur cérébrale.
***
... Que penser de tout cela ? On pourrait y voir une démystification voltairienne et ricanante de tous ces grands fondateurs, qui auraient pu être guéris par des antidépresseurs ou des électrochocs. Ces insolites comparaisons ne sont pas farfelues. On sait par exemple que l’épilepsie était déjà pour les anciens Grecs et Romains une maladie « sacrée », manifestation en l’homme de la présence divine.
Mais je préfère y voir un encouragement donné aux vrais malades, une réhabilitation qui leur est donnée par l’exemple de ces grandes figures, à l’image desquelles ils peuvent se considérer eux-mêmes.
Artistes et écrivains se reconnaîtront aussi dans le trouble bipolaire : c’est un fait bien connu que l’exaltation maniaque, si elle est ordinairement dangereuse, favorise aussi bel et bien la créativité.
Ainsi, sans aller jusqu’à dire, comme le Knock de Jules Romains, que tout bien portant est un malade qui s’ignore, je dirai que les linéaments de toutes ces maladies sont déjà en nous-mêmes, et qu’entre elles et nous il n’y a pas une différence de nature, mais de degré.
Article paru dans Golias Hebdo, 14 avril 2016
***
Cet article est extrait du livre suivant :
17,00€Livre papier
Lire un extrait
DESCRIPTION
Les textes composant cet ouvrage sont tous parus, sous leur forme initiale, dans un journal hebdomadaire. Ils concernent des sujets d'actualité étranges, bizarres, insolites, souvent amusants, mais se prêtant toujours à un commentaire philosophique. Ils peuvent servir de points de départ pour la réflexion individuelle du lecteur, mais aussi ils peuvent alimenter des débats thématiques collectifs (cours scolaires, cafés-philo, réunions de réflexion...).
commenter cet article …