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l est souvent mis à mal par le réductionnisme scientiste, illustrant la définition du matérialisme : le fait d’expliquer le supérieur par l’inférieur.
Ainsi un savant néozélandais vient d’avancer l’hypothèse que Nessie, le monstre du Loch Ness en Écosse, ne serait en fait qu’une anguille géante, une quantité importante d’ADN d’anguille ayant été retrouvée dans le lac et rendant la supposition « plausible » (Source : nouvelobs.com, 05/09/2019).
On ne s’est pas demandé pourquoi tant de gens depuis le vie siècle ap. J-C. ont cru et pour certains croient encore à ce monstre surnaturel, mais simplement quel fait positif est à la source de cette croyance.
Voyez aussi celle concernant les feux follets, où l’on a longtemps vu la manifestation d’âmes en peine venues sous forme de petites flammes hanter les cimetières. La science positive explique qu’ils sont simplement dus aux gaz de décomposition qui s’échappaient des cadavres quand ils n’étaient pas ensachés.
On peut aller plus loin dans les démystifications. Ainsi le Buisson ardent apparu à Moïse dans la Bible viendrait d’un phénomène optique que chacun a pu constater, l’air donnant en effet l’impression de trembler sur toutes choses quand il fait très chaud.
De même, les voix entendues par Jeanne d'Arc seraient des cris de corbeaux dans la plaine environnante, ou simplement des acouphènes.
Et pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? Les apparitions de la Vierge à Bernadette viendraient d’un rendez-vous donné à son amant dans la grotte par la pharmacienne de Lourdes, Madame Pailhasson, rendez-vous qui aurait été surpris par la pauvre bergère. Pour ne pas être reconnue, la belle dame aurait rabattu son châle sur la tête, aurait pris une voix caverneuse (appropriée au lieu), et se serait fait passer pour une apparition surnaturelle.
On sait que dans son Cours de philosophie positive, Auguste Comte dit que l’humanité passe successivement par trois états : l’état théologique ou fictif, où l’on explique tout par l’intervention des dieux – l’état métaphysique ou abstrait, qui n’est qu’une variante du premier, où l’on explique tout par des abstractions – et enfin l’état positif, où l’on explique tout par des vraies causes ou raisons des choses. Pour Comte, le dernier état invalide définitivement les deux premiers.
Je ne lui donne pas raison. Je pense en effet qu’il y a une multipolarité de l’esprit, qui appréhende les choses tantôt de façon rationnelle et scientifique, mais tantôt aussi de façon mythologique ou symbolique.
Nous sommes toujours les fils de nos propres fictions. Elles naissent de nous, mais ensuite dirigent nos vies. Les mythes, si on les lit bien, nous disent toujours des choses importantes. Comme disait Breton : « Ces êtres, faut-il les convaincre qu’ils procèdent du mirage ou leur donner l’occasion de se découvrir ? »
Article paru dans Golias Hebdo, 26 septembre 2019
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DESCRIPTION
Les textes composant cet ouvrage sont tous parus, sous leur forme initiale, dans un journal hebdomadaire. Ils concernent des sujets d'actualité étranges, bizarres, insolites, souvent amusants, mais se prêtant toujours à un commentaire philosophique. Ils peuvent servir de points de départ pour la réflexion individuelle du lecteur, mais aussi ils peuvent alimenter des débats thématiques collectifs (cours scolaires, cafés-philo, réunions de réflexion...).
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