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lle est à nouveau au cœur de l’actualité, à la suite de l’agression dont a été victime une enseignante du lycée Branly de Créteil, sur laquelle un élève a braqué un pistolet en exigeant qu’elle le marque « présent » alors qu’il était arrivé en retard. Que le pistolet se soit ensuite avéré factice ne change rien au caractère sidérant de la scène.
J’aurais pu ne pas relever ce fait dans la catégorie des Insolites, car cela fait bien longtemps que l’on assiste à des conduites comparables, et cela, malgré ce qu’on dit, dans la majorité des établissements. Que ces actes en milieu scolaire reflètent la violence générale qui affecte la société est évident, mais ne les excuse en rien.
Les sociologues devant ce véritable ensauvagement avancent plusieurs explications : individualisme forcené, revendication exclusive par chacun de ses droits au détriment de ses devoirs, déclin des valeurs ordinairement transmises par la famille, etc.
Je suis d’accord avec eux, sauf quand ils font des délinquants des victimes de leur environnement. Cette culture de l’excuse, ce que Pascal Bruckner naguère appelait la « tentation de l’innocence », oublie que d’autres qu’eux ont subi le même conditionnement, mais n’ont pas réagi de la même façon. Alléguer ici un déterminisme social absolu fait bon marché de la liberté de chacun, réduit ainsi à n’être que le jouet des circonstances.
Le plus préoccupant peut-être ici est la minoration systématique que fait la hiérarchie face à de tels actes, qualifiés d’« incidents », ou d’« incivilités ». Vouloir y répondre fermement relève alors, nous dit-on, d’une attitude « non pas éducative, mais répressive ».
La vérité est que le directeur veut avoir dans son établissement le moins de conseils de discipline possible, pour qu’il soit mieux noté, et que la prime afférente lui soit bien attribuée. En quoi il est bien complice de cette violence.
Écoutons ce que disait Péguy dans Le Mystère de la charité de Jeanne d’Arc :
« Complice, c’est pire qu’auteur, infiniment pire. C’est même pire que faire, car celui qui fait, il a au moins le courage de faire. Mais pour celui qui laisse faire, il y a la lâcheté en plus. »
Et il concluait : « Il y a partout une lâcheté infinie. » Il n’y a rien de si actuel.
Article paru dans Golias Hebdo, 8 novembre 2018
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Les textes composant cet ouvrage sont tous parus, sous leur forme initiale, dans un journal hebdomadaire. Ils concernent des sujets d'actualité étranges, bizarres, insolites, souvent amusants, mais se prêtant toujours à un commentaire philosophique. Ils peuvent servir de points de départ pour la réflexion individuelle du lecteur, mais aussi ils peuvent alimenter des débats thématiques collectifs (cours scolaires, cafés-philo, réunions de réflexion...).
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