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lle est affirmée et vantée dès le début de la Bible. Ainsi dès la Genèse Dieu crée, dans les eaux, les airs, et sur la terre, toute espèce vivante qu’il trouve bonne, bénit et engage à se multiplier : 1/20-25.
Aucune exclusive donc, et les écologistes d’aujourd’hui se retrouveraient sans nul doute dans cet accueil de bienvenue, chaleureux et inconditionnel, réservé à tout ce qui vit.
Cependant le malin génie qui me souffle souvent à l’oreille des initiatives incongrues et iconoclastes m’a poussé à ouvrir mon Rituel romain, en latin, édité à Tournai en 1952. Il est rare que je sois déçu dans sa lecture.
Ainsi, à côté des bénédictions diverses et applicables à tout usage, y compris les plus insolites (bénédiction de navire, de véhicule de toute sorte, y compris de voiture de pompiers, de sismographe destiné à prévenir des tremblements de terre, etc.), j’y ai trouvé des formules de malédiction ou d’exorcisme, destinées à éloigner les « rats, sauterelles de diverses espèces, les vers, et autres animaux nuisibles », qui constituent des « pestes » dévorant les récoltes : p. 626. La demande n’y va pas par quatre chemins : « Où que vous alliez, soyez maudits, diminuez en nombre jusqu’à ce que plus rien ne reste de vous en nul lieu ! » : p. 627.
Nous voilà au rebours du « croissez et multipliez-vous » de la Genèse. La biodiversité n’est pas respectée, et à son égard il y a la thèse, et l’hypothèse : ce type de contradiction entre les principes et la réalité pratique est fréquent en matière de religion.
Un tri est donc fait entre tout ce qui vit, pour séparer ce qui sert l’homme et ce qui, au moins le pense-t-il, lui nuit. Apparemment le Dieu biblique des origines n’avait pas prévu ce scénario.
Gageons que François d’Assise n’aurait pas aimé ces formules anthropocentriques de « déprécation », lui qui écrivit le Cantique des créatures, les unissant toutes dans un commun accueil. Pourquoi ne pas parler à sa suite de « mon frère le pou », et de « ma sœur l’araignée » ?
Mais nous avons désamorcé son message en le canonisant : comme il y a des promotions-canapé, il y a des promotions-placard. On a par là en sa personne bien justifié l’adage latin : Promoveatur ut amoveatur ! (Qu’il soit promu pourvu qu’on s’en débarrasse !).
Et de même qu’à son éloge de la pauvreté nous avons préféré l’activité capitaliste de son père, riche commerçant, de même à la bénédiction de tout ce qui vit nous préférons encore l’anathème et l’hostilité.
C’est bien dommage, car au-delà de la question religieuse, la biodiversité est bénéfique. Les scientifiques qui l’étudient nous montrent bien qu’il suffit de la gérer, que tout sert d’une façon ou d’une autre dans un biotope donné, et qu’en général la notion d’espèce nuisible ou de mauvaise herbe est dépourvue de sens.
[v. Environnement]
Article paru dans Golias Hebdo, 20 mai 2010
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Cet article est extrait de mon ouvrage en deux tomes Chroniques religieuses, édité chez BoD. On peut les feuilleter en cliquant ci-dessous sur Lire un extrait. Et on peut les acheter sur le site de l'éditeur en cliquant sur Vers la librairie BoD :
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