Celle qui est exercée sur autrui est évidemment inadmissible. Pourtant les exemples en sont très fréquents, spécialement dans les religions. J’ai ainsi vu sur Arte, dans la soirée du 23 septembre dernier, un remarquable documentaire : Bouddhisme, la loi du silence. On y voyait comment un gourou, pour peu qu’il bénéficie d’un certain charisme ou ascendant magnétique sur ses disciples, peut les manipuler à son gré. Son pouvoir évidemment ne tient qu’à l’adhésion qu’ils consentent eux-mêmes à ce qu’il leur demande, et cette dernière à la projection aveuglée qu’ils font sur lui. Comme le dit La Boétie des tyrans : « Ils ne sont grands que parce que nous sommes à genoux. »
Il est très facile d’instaurer une emprise sur quelqu’un. Pour le persuader d’obéir, il suffit par exemple d’instiller en lui la peur, comme fait le médecin charlatan Knock de Jules Romains, qui asservit tous les habitants d’un canton en leur disant qu’ils sont malades. Là on surfe sur la crédulité et l’hypochondrie spontanée des gens. Ailleurs ce sera sur leur désir naturel de sens, qu’on pervertit par des pratiques dégradantes. Ainsi le gourou peut s’autoriser d’une « folle sagesse » pour faire progresser le disciple sur la voie de l’éveil, et lui imposer maltraitances et viols, le contact physique avec le maître étant censé accélérer le processus.
Cette « folle sagesse » faisant fi de toute morale et de toute loi humaine existe dans toutes les religions. En christianisme même certains mouvements dits antinomistes ou nécessariens (qui se disaient eux-mêmes pécheurs justifiés) se sont autorisés de cette expression, paulinienne d’origine, pour se permettre tous les comportements, y compris les plus répréhensibles. La belle phrase de saint Augustin : « Aime et fais ce que tu veux » (Ama et quod vis fac) a pu être aussi pervertie de la sorte.
Il me semble que ce qui sous-tend tous ces errements est l’idée de sacré : ce qui est radicalement séparé de l’humain et échappe à toute compréhension. Tant que la sacralité existera dans l’esprit des hommes, et spécialement celle dont on investit un personnage en le séparant des autres et en lui confiant sa gestion, perdureront tous ces comportements inadmissibles.
Au fond, nulle obligation qui s’en autoriserait n’est recevable. Il faut toujours mettre l’homme avant elle. « Le sabbat est fait pour l’homme et non pas l’homme pour le sabbat. » (Marc 2/27)
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