On parle beaucoup aujourd’hui d’inclusion du féminin dans le langage. Ainsi le professeur de théologie protestante Olivier Bauer plaide pour une version plus inclusive du Notre Père, débutant par « Notre Mère et Père qui êtes aux cieux… » Et dans la demande concernant le pardon il propose d’inclure le féminin, et de dire : « Comme nous pardonnons aussi à celles et ceux qui nous ont offensé·es. » (Source : la-croix.com, 15/09/2022)
Pour le fond, il est certain que le christianisme gagnerait à se féminiser, ne serait-ce que parce que Jésus, dans ce qui nous en est rapporté, a parlé d’une voix féminine, par exemple quand il dit : « Jérusalem, Jérusalem, toi qui tues les prophètes et lapides ceux qui te sont envoyés, que de fois j’ai voulu rassembler tes enfants comme une poule rassemble ses poussins sous ses ailes, et vous n’avez pas voulu ! » (Matthieu 23/37) Qui parlerait d’un Jésus Mère poule ne se tromperait pas. Donc s’il reste encore, comme je le crois, des traces de machisme patriarcal dans le christianisme, il importe évidemment de les faire disparaître.
Cependant je ne suis pas d’accord avec les corrections de forme que propose le professeur de théologie. Il prend tout littéralement, et par exemple, pour le féminiser, il parle d’un Dieu qui « engendre ». Certes il en est question aussi dans le Symbole de Nicée, à propos de Jésus, « engendré, non pas créé ». Mais c’est oublier que ce mot, tiré d’un psaume d’intronisation (2/7), signifie symboliquement « adopter », comme je l’ai montré dans mon livre Les Mystères du Credo – Un christianisme pluriel, BoD, 2018). La parentalité est spirituelle, il est catastrophique de la prendre au pied de la lettre. Sinon on est ramené à ce que disait en 1821 l’Archevêque de Paris Hyacinthe de Quélen : « Non seulement Jésus-Christ était fils de Dieu, mais encore il était d’excellente famille du côté de sa mère. »
Pour le pardon des offenses, le théologien estime « qu’il est temps de traiter les femmes en adultes et de reconnaître explicitement qu’elles peuvent elles aussi nous offenser. » Là aussi le regard est celui d’un myope, qui manque de distance. Le « ceux » du texte est générique, englobe évidemment « celles », et on ne s’était pas avisé d’autre chose avant la remarque de notre théologien. Conseillons-lui donc de méditer ce proverbe oriental : « Quand on montre la lune du doigt, le sot regarde le doigt. »
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