Un ancien article paru dans Golias Hebdo :
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es catholiques viennent de fêter l’Assomption de la Vierge Marie, son élévation au ciel entourée d’anges, que notre peinture figure souvent.
En fait ce sort d’abord était réservé à son Fils, qui, tel le Ganymède de la mythologie grecque, fut emporté au ciel (Actes des Apôtres 1/2, etc.). Ce n’est qu’après qu’on a dit qu’il était monté au ciel tout seul, motu proprio, de son propre mouvement : ainsi son Assomption initiale est devenue son Ascension, qui est un article de foi du Credo.
Le dogme de l’Assomption de Marie a été décrété par voie papale en 1950, sous l’effet de la pression populaire. Un proverbe ne dit-il pas : Vox populi, vox Dei (la voix du peuple est la voix de Dieu) ?
Pour les orthodoxes, Marie n’a qu’une Dormition : en fait, ils ne seraient pas hostiles à son Assomption, si celle-ci n’était corrélée et conséquente à un dogme qu’ils n’acceptent pas, celui de son Immaculée Conception, promulgué toujours papalement en 1854, selon lequel elle a été dès sa naissance exemptée du péché originel – notion qu’ils ne voient pas d’ailleurs avec le même pessimisme que nous. Nous sommes là-dessus bons héritiers de saint Augustin, alors que l’augustinisme leur est étranger.
Effectivement, avec son Assomption, Marie est déjà en voie de divinisation, et en passe de concurrencer son Fils même. Et dans ce cas, quelle serait par exemple sa part de liberté humaine face à l’annonce que lui fait l’Ange au début de l’évangile selon Luc ?
Quant aux protestants, ils refusent tout ensemble Immaculée Conception et Assomption, dénonçant là une mariolâtrie inadmissible et non conforme aux textes, à la fameuse Seule Écriture (Sola Scriptura), unique autorité dont ils se réclament.
... Pourtant dans ce débat sur l’importance de Marie, je ne leur donnerais pas volontiers raison, et pour un motif strictement pragmatique. Elle incarne un besoin de protection bien humain, une instance où se blottir. Peu importe que la Trinité avec elle devienne une Quaternité ! Qui n’a rêvé d’une Mère nourricière, d’une Alma Mater ?
Et ce rôle n’est-il pas dans le texte reçu celui même de Jésus, en qui parle une voix spécifiquement féminine : « Jérusalem, Jérusalem, qui tues les prophètes et qui lapides ceux qui te sont envoyés, combien de fois ai-je voulu rassembler tes enfants, comme une poule rassemble ses poussins sous ses ailes, et vous ne l’avez pas voulu ! » (Matthieu 23/37 ; Luc 13/34) ?
Jésus mère-poule ! Pourquoi vouloir être ici plus royaliste que le roi ?
Article paru dans Golias Hebdo, 25 août 2011
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Ce texte est extrait d'un des deux tomes de mon ouvrage Chroniques religieuses. Pour plus de détails sur ces deux livres, cliquer: ici.
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