Un ancien article (est-il encore actuel ?) :
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ans un discours célèbre prononcé à Saint-Jean de Latran, notre président-chanoine a dit que pour la transmission des valeurs et l’enseignement de la morale l’instituteur ne pourra jamais remplacer le pasteur ou le curé.
Je suis fils d’instituteurs de l’enseignement public, et j’atteste qu’il a existé et qu’il peut bel et bien exister encore une morale laïque, enseignée à l’école, et dont le contenu pratique ne diffère en rien pour bien des points de la morale religieuse traditionnelle : respecter l’autre, être honnête, ne pas être paresseux, etc.
On en voit une parfaite illustration dans le personnage de Topaze, de Marcel Pagnol. On connaît son fameux : « Bien mal acquis ne profite jamais », écrit en grosses lettres à la craie sur le tableau noir. L’arrière-plan de cet enseignement laïque est tout simplement la morale kantienne, qui fait reposer le devoir humain sur l’activité de la raison confrontée à l’action.
Ces leçons de chaque matin, s’appuyant sur des exemples concrets, des petites histoires fabriquées ad hoc, faisaient bien comprendre les injonctions du jour : voilà ce qui peut t’arriver si tu n’y satisfais pas.
Je n’en dirai peut-être pas autant du catéchisme, où la menace d’un châtiment divin était toujours présente, et où la règle était comminatoire : songe que Dieu te voit, et redoute sa colère. C’était là une pastorale ou une pédagogie, non pas de la compréhension des choses et des relations entre les hommes, mais de la peur.
On dira qu’elle a disparu aujourd’hui. Peut-être, si ce sont des laïcs éclairés qui assurent le catéchisme. Mais si ce sont des ministres du culte, surtout ceux qui mettent en pratique les instructions du Vatican ?
L’école n’enseignait que l’hygiène, mais le clergé peut bien se mêler de morale sexuelle, avec toutes les catastrophes que cela peut engendrer. Ainsi, si le danger couru par l’école laïque pouvait être un certain idéalisme, celui couru par « l’Église institutrice » pourrait bien continuer à être le traumatisme et la culpabilisation.
À moins que ce qui manque à la première soit la perception d’un horizon transcendant, celui-là même qui est géré et souvent instrumentalisé par les prêtres ? Mais une morale a-t-elle besoin de se fonder sur ce ciel hypothétique, alors que tant de travaux urgents nous attendent sur cette terre, que l’attente du ciel pourrait nous faire oublier ?
Article paru dans Golias Hebo, 4 mai 2009
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Ce texte est extrait d'un des deux tomes de mon ouvrage Chroniques religieuses. Pour plus de détails sur ces deux livres, cliquer: ici.
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