Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
30 mars 2023 4 30 /03 /mars /2023 01:00

Elle se répand en cette période de manifestations, aussi bien dans les réseaux sociaux que dans la rue. Certains ont réclamé la guillotine contre le Président. D’autres ont mis une effigie à son image sur une voie ferrée, de façon qu’un train l’écrase, etc.

 

Vu sa violence irrépressible, il semble qu’elle prenne en premier lieu possession d’un être tout entier, avant même de se porter sur tel ou tel, qui n’est que le prétexte à son déchaînement. On peut en dire ce que Sénèque dit de la colère, dans le De ira : « Ira furor brevisLa colère est une brève folie » Sans doute aussi la haine est-elle attisée par l’entraînement propre à la foule, et le relatif anonymat que cette dernière procure.

 

Comme le dit l’adage anglais : « Hate is not an opinionLa haine n’est pas une opinion. » Tout simplement parce qu’elle est irrationnelle. Il faut s’en méfier quand elle emporte toute mesure. Il en est une certaine sorte qui nous met au-dessous de ce que nous haïssons, et cela, si fondés que puissent être nos griefs au départ.

 

Dans le cas précis, il s’agit sûrement de l’obsession, très fréquente dans toutes les révolutions, d’une égalité portée à son point extrême, analysée par Montesquieu dans L’Esprit des lois comme pathologie majeure de toute démocratie : l’esprit d’égalité devient égalitarisme, et comme le brigand Procuste avec son fameux lit, on veut tout soumettre à la même toise, et pour cela araser tout ce qui dépasse, couper des têtes, y compris physiquement. Dostoïevski a décrit ce comportement dans Les Possédés, évoquant la venue des « terribles niveleurs », avec le personnage de Chigaliov.

 

Tocqueville aussi, dans De la démocratie en Amérique, a souligné un paradoxe : la haine que les hommes portent aux privilèges est plus forte quand les inégalités diminuent. Quand elles sont nombreuses, on les remarque moins. Mais celles qui restent choquent davantage. Et c’est bien le cas dans la société actuelle.

 

L’invidia democratica, l’envie ou la haine démocratique constitue un bel exemple de ressentiment, au sens où le prend Nietzsche dans La Généalogie de la morale. Voyez comment Flaubert, dans L’Éducation sentimentale, décrit l’invasion des Tuileries par la foule lors de la Révolution de 1848 : « Des galériens enfoncèrent leurs bras dans la couche des princesses, et se roulaient dessus, faute de ne pouvoir les violer. » Certes si la révolte peut être sainte, l’envie est hideuse.

 

D.R.

 

Partager cet article
Repost0

commentaires

T
Bien vu, et bien dit. Un langage rare.
Répondre

Présentation

  • : Le blog de michel.theron.over-blog.fr
  • : "Mélange c'est l'esprit" : cette phrase de Paul Valéry résume l'orientation interdisciplinaire de mon blog. Dans l'esprit tout est mêlé, et donc tous les sujets sont liés les uns aux autres. - Si cependant on veut "filtrer" les articles pour ne lire que ce qui intéresse, aller à "Catégories" dans cette même colonne et choisir celle qu'on veut. On peut aussi taper ce qu'on recherche dans le champ "Recherche" dans cette même colonne, ou encore dans le champ : "Rechercher", en haut du blog - Les liens dans les articles sur le blog sont indiqués en couleur marron. Dans les PDF joints, ils sont en bleu souligné. >>>>> >>>>> Remarque importante (avril 2021) : Vous pouvez trouver maintenant tout ce qui concerne la Littérature, la Poésie et l'Art dans mon second blog, "Le blog artistique de Michel Théron", Adresse : michel-theron.eu/
  • Contact

Profil

  • www.michel-theron.fr
  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).
  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).

Recherche

Mes Ouvrages