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1 mai 2023 1 01 /05 /mai /2023 01:00

L

e Concile de Trente, contre le risque d’une vision purement symbolique du sacrement de l’eucharistie incarné par le protestantisme, a affirmé la réalité effective de la transsubstantiation : une fois prononcées les paroles de la consécration, le pain et le vin sur l’autel se changent réellement en corps et sang du Sauveur.

 

Ces derniers n’y sont pas en forme de figure (in figura), mais en réalité (in re). Ceux qui prétendent le contraire ont été anathématisés, appelés Figuristes, ou Tropistes (du grec tropos : tour, figure), ou encore Sacramentaires.

 

Ce réalisme et ce littéralisme, signes d’une crispation identitaire et polémique, n’ont pas toujours existé depuis l’origine du christianisme. Ainsi Augustin disait que corps et sang du Christ étaient présents sur l’autel selon une certaine manière (secundum quemdam modum).

 

L’eucharistie pouvait encore n’être qu’une anamnèse, un simple mémorial, comme elle peut l’être encore dans le texte inaugural de Paul (première épître aux Corinthiens, 11/24 et 26), sans devenir ce qu’elle fut plus tard, une manducation sacrée.

 

Notez ici que le symbolique, loin de suivre toujours dans l’histoire le littéral, peut le précéder, exactement comme le dessin des enfants est d’abord symbolique ou mental, avant d’être réaliste ou visuel et basé sur l’observation, selon l’enseignement de l’École qui les invite toujours à prendre la seconde attitude. Spontanément ils des­sinent ce qu’ils considèrent comme étant l’impor­tant pour eux, ce qu’ils savent donc à l’intérieur d’eux-mêmes, et non pas ce qu’ils voient à l’ex­térieur.

 

De la même façon des esprits comme Philon d’Alexandrie, et ensuite Origène, ont d’abord interprété les textes sacrés de façon symbolique. Ce n’est qu’après que la vision littérale a été imposée. On a préféré éblouir les gens par le miracle que les éclairer par le symbole.

 

Aussi l’Église ne me semble pas bien fondée à critiquer les Tropistes ou les Figuristes, tout simplement parce qu’elle a elle-même pratiqué constamment cette méthode d’exégèse symbolisante ou allégorisante dans sa lecture de la Bible juive. Elle y a vu des figures ou des préfigurations de ses constructions – au point que son annexion du texte juif est apparue à certains comme une captation d’héritage. Elle s’est même affirmée avec Justin comme « Vrai Israël » (Verus Israhel) !

 

Alors pourquoi ensuite condamner le figurisme, après l’avoir ainsi outrageusement pratiqué ? Deux poids, deux mesures donc : ce que j’ai fait, surtout ne le faites pas !

 

En vérité, la vraie question qui sous-tend le réalisme eucharistique est la même que celle qui sous-tend toute idée de sacrement. Le miracle ne s’y opère que validé par la personne du prêtre, vrai thaumaturge, et peut donc faire l’objet de tous les chantages. C’est là, sur les âmes et les corps, une pure question de pouvoir.

 

Article paru dans Golias Hebdo, 30 décembre 2010

 

D.R.

*

Pour plus de développements sur cette question, vous pouvez voir mon ouvrage en deux tomes Théologie buissonnière, préfacé par André Gounelle :

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commentaires

K
Vous mettez le doigt là où ça fait mal. Pour compléter, on a dit que les anciens qui ont reçu l'ordination presbytérale ressemblaient à des Kohanim, puis on les a purement et simplement assimilés à des Kohanim. Ils bénéficient alors d'une ordination sacerdotale. Les prêtres sont des ancens devenus Kohanim. Ils habitent toujours un presbytère mais revêtent des habits sacerdotaux. Ce dérapage du sens a des conséquences d'autant plus calamiteuses qu'il est ignoré du grand public <br /> <br /> Étant donné votre compétence ne pourriez-vous pas proposer une brochure sur cette dérive des interprétations. Ou encore initier des visioconférences sur le sujet ?<br /> <br /> Je pense aussi à l'apport de l'intertextualité ou à la notion d'identité narrative. L'institution n'apprécie guère le travail des exégètes mais les contestataires craignent qu'une réflexion les éloigne du côté percutant des évangiles.<br /> <br /> En tout cas un grand merci. Vous avez exprimé clairement et en peu de mots une critique de la dérive du discours ecclésiastique et de la manière dont opère la théologie de la substitution.
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  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).
  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).

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