P |
our être intéressante d’un point de vue pédagogique, elle doit reposer sur le sentiment d’une analogie minimale admissible par la raison.
Sinon, si les termes comparés sont manifestement trop éloignés et étrangers l’un à l’autre, leur mise en rapport ne peut emporter l’adhésion. Se justifie alors la phrase de Talleyrand : « Tout ce qui est excessif est insignifiant. »
C’est à quoi j’ai pensé en prenant connaissance d’une phrase du pape François à propos de l’avortement. Il a déclaré, devant les fidèles rassemblés place Saint-Pierre à Rome : « Est-il juste d’avoir recours à un tueur à gages pour résoudre un problème ? » (Source : Lci.fr, 10/10/2018).
Cette mention d’un « tueur à gages » en cette matière me semble hors de toute proportion. Elle désigne évidemment le médecin qui pratique l’opération. Mais l’hyperbole ou l’exagération qui y est contenue invalide à mon avis, du strict point de vue de la formulation, la position papale.
Sur le fond, il me semble d’abord que la question de l’avortement concerne les femmes elles-mêmes, et que c’est à elles, et non aux hommes, d’avoir un avis à ce sujet.
D’autre part la sacralisation inconditionnelle de la vie ne résiste pas à l’examen. Qu’est-ce qui caractérise une cellule cancéreuse par exemple, sinon le fait qu’elle est malheureusement toujours vivante, et ne peut pas accomplir son suicide spontané, son apoptose ? Enfin que peut être la vie future d’un embryon, si physiquement une maladie de la mère l’a condamné à subir un grave handicap ? Et aussi affectivement, si sa conception a été le résultat d’un viol ?
Bien sûr l’avortement ne peut pas servir de moyen de contraception. Bien sûr aussi il est toujours une épreuve, et tous les couples qui y ont été confrontés n’ont pu qu’en retirer l’impression d’un tragique gaspillage. Mais enfin les grands principes psychorigides ne sont pas de mise en cette matière, comme en toutes les autres. Tout, y compris ce qui concerne la vie, est affaire de cas particuliers. Lao-Tseu a raison de commencer ainsi son Tao-te-King :
« La Voie vraiment voie n’est pas une voie constante. Les termes vraiment termes ne sont pas des termes constants. »
Article paru dans Golias Hebdo, 25 octobre 2018
***
Ce texte est extrait d'un des deux tomes de mon ouvrage Chroniques religieuses. Pour plus de détails sur ces deux livres, cliquer: ici.
commenter cet article …