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a confiance et la peur sont les deux pôles entre lesquels nous oscillons dans nos vies.
Mais la première a précédé la seconde. Voyez comment les enfants sont encore pleins de confiance, comment ils vont au-devant des inconnus, avec un beau sourire. Ce sont les parents, les adultes qui ensuite la détruisent en sabotant leurs élans : On ne va pas vers quelqu’un qu’on ne connaît pas, on ne lui sourit pas, etc. En fait ils projettent leur propre peur sur leur progéniture. Et pourquoi cette peur ? Parce qu’ils imaginent toujours l’existence de dangers, par des anticipations qui ne sont pas forcément toujours justifiées. Voyez alors ces maximes qui, dit-on, sont la sagesse des nations : Méfiance est mère de sûreté, etc.
Mais si c’était le contraire ? Si la mère de la sûreté était la confiance ? Bernanos disait de la sagesse qu’elle était « le vice des vieillards ». Elle est bien rancie en tout cas, et paralyse beaucoup d’adultes tout au long de leur vie. Ils n’osent rien faire, par peur de ce qui pourrait en résulter. Écoutons ce que dit Sénèque : « Ce n’est pas parce que les choses sont difficiles que nous n’osons pas, c’est parce que nous n’osons pas qu'elles sont difficiles. » Ou encore Scapin chez Molière : « Je hais ces âmes pusillanimes, qui pour trop prévoir les suites des choses, n’osent rien entreprendre. »
On se rassure ordinairement d’une expression comme : « Il ne t’arrivera rien ». Mais est-il quelque chose de plus terrifiant que cette formule, qu’on peut comprendre au rebours du sens habituel : « Rien ne t’arrivera » ? Peut-on vraiment en être réconforté ? Dans la vie en effet tout peut arriver : mais très souvent, rien.
Pour se délivrer des peurs, pour continuer à avancer dans la vie (car, comme à bicyclette, il y faut avancer pour ne pas tomber), écoutons ces petits enfants pleins de confiance et ignorant honte et peur, à qui appartient le Royaume, à en croire le texte évangélique, y compris celui de Thomas :
« Ses disciples dirent : ‘Quel jour nous apparaîtras-tu et quel jour te verrons-nous ?’ Jésus dit : ‘Lorsque vous vous départez de votre pruderie et prenez vos vêtements, les déposez à vos pieds comme les tout petits enfants, les piétinez, alors vous verrez le Fils de celui qui est Vivant et vous n’aurez pas peur.’ » (logion 37).
Article paru dans Golias Hebdo, 26 janvier 2017
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Ce texte est extrait d'un des deux tomes de mon ouvrage Chroniques religieuses. Pour plus de détails sur ces deux livres, cliquer: ici.
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