Dans le monde intellectuel, c’est le fait de s’arrêter à des détails d’une question, et de négliger la direction vers laquelle il convient de regarder. Un bon exemple est l’interrogation récente de l’archevêque anglican d’York sur la connotation « patriarcale » de la principale prière chrétienne, le Notre Père. Il a déclaré : « Je sais que le mot ‘père’ est problématique pour ceux dont l’expérience des pères terrestres a été destructrice et abusive, et pour tous ceux d’entre nous qui ont trop souffert d'une emprise patriarcale oppressive sur la vie ». Dans la même lignée, l’Église d’Angleterre avait déclaré en février dernier qu’elle examinerait la possibilité de cesser d’appeler Dieu avec le pronom ‘il’, à la demande de prêtres préférant utiliser des termes non genrés. (Source : bfmtv.com, 08/07/2023)
Tout cela est fort puéril. D’abord, si le contact des pères terrestres est parfois « problématique », le Père du Notre Père est le Père céleste ou « des cieux » comme le dit la suite du texte, et comme Jésus le nomme en maints endroits. Il y a là deux plans différents d’expérience : il ne faut pas confondre le circonstanciel, le contingent, avec l’essentiel, le définitionnel, l’archétypal, dimension qui s’atteste toujours dans l’esprit quand on l’évoque. Sinon on ne comprendrait pas pourquoi l’enfant battu par son père peut tenir à l’image idéale qu’il conserve de lui. L’oublier est myopie.
Ensuite Jésus lui-même, à côté du Père qu’il prie, préserve l’image de la Mère, qu’il lui arrive d’incarner, comme une mère-poule : « Jérusalem, Jérusalem, toi qui tues les prophètes et lapides ceux qui te sont envoyés, que de fois j’ai voulu rassembler tes enfants comme une poule rassemble sa couvée sous ses ailes, et vous n’avez pas voulu. » (Luc 13/34) Au point qu’on a dit (Romain Gary) que ce fut le premier homme à avoir parlé d’une voix féminine.
Enfin connaître un peu de linguistique ne fait pas de mal. On y apprend que le signe est arbitraire selon les langues. Ainsi Esprit est féminin en hébreu (Ruah), neutre en grec (Pneûma), et masculin en latin (Spiritus). Il ne sert à rien quand tout est ainsi aléatoire d’invoquer, pour innover, la Culture contre l’Écriture, ou bien l’inverse pour maintenir la seconde.
Finalement l’archevêque (et ses partisans modernistes) feraient bien de réfléchir au proverbe oriental : « Quand on montre la lune du doigt, le sot regarde le doigt. »
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