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ne fiction controversée, La Première Tentation du Christ, diffusée par Netflix, vient d’être interdite par la justice brésilienne à la demande de représentants de la communauté catholique et conservatrice. Ceux-ci ont été choqués par cette œuvre, qui laisse entendre que Jésus était homosexuel (Source : lefigaro.fr, 9/01/2020).
On connaissait déjà un Jésus marié avec Marie-Madeleine, présenté dans La Dernière Tentation du Christ, le roman de Kazantzakis et le film de Scorsese, tout imprégnés de docétisme. Et aussi un Jésus séduisant toute une famille bourgeoise, le père, la mère, la fille et le fils, ainsi que la bonne, dans Théorème de Pasolini. Mais si le film de Scorsese a fait l’objet d’attentats dans les salles obscures, celui de Pasolini a obtenu le Grand Prix de l’Office catholique du cinéma. À raison, à mon avis, car le sens en est symbolique et très profond : la rencontre magnétique du Maître (Théorème veut dire en grec contemplation) n’est là que pour provoquer dans les âmes un séisme ouvrant à un horizon de Transcendance.
L’homophobie qui caractérise les communautés conservatrices susdites ne peut que se référer à Lévitique 18/22 et 20/13, où l’homosexualité est effectivement dite une « abomination punissable de mort ». Mais avoir à l’esprit et invoquer ce commandement barbare quand on parle de Jésus lui-même, dont le message est un affranchissement des lois au bénéfice du cœur qui s’ouvre, est absurde. Augustin d’ailleurs l’a bien compris, avec son fameux « Aime et fais ce que tu veux » – Dilige et quod vis fac.
De toute façon ce qui compte ce n’est pas ce qu’il en fut réellement du personnage christique, dont la vie n’est qu’une construction narrative tardivement élaborée et relève du mythe, mais ses paroles et le contenu de son enseignement, au moins ce qui nous en a été transmis. Ni la question de son mariage, ni celle de son orientation sexuelle, ne sont pertinentes au regard du message qu’il porte, et qui seul doit nous retenir : ce n’est pas pour rien d’ailleurs que les rédacteurs des évangiles ne disent rien de ces questions, car ce n’est pas ce qui les occupe.
Le message de Jésus n’invite qu’à une orthopraxie, dans le droit fil de la tradition juive. Vraisemblablement ce fut un rabbin libéral, dans la ligne de Hillel. Les « jésulâtres » aveuglés qui l’adorent avec ferveur et voudraient protéger de toute « impureté » une vie en réalité inventée dans tous ses détails feraient bien de méditer son essentielle parole : « Pourquoi m’appelez-vous : ‘Seigneur, Seigneur !’, et ne faites-vous pas ce que je dis ? » (Luc 6/46)
Article paru dans Golias Hebdo, 23 janvier 2020
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Ce texte est extrait d'un des deux tomes de mon ouvrage Chroniques religieuses. Pour plus de détails sur ces deux livres, cliquer: ici.
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