À propos du tremblement de terre qui a ravagé il y a quelques jours le Maroc, j’ai entendu plusieurs rescapés remercier Dieu d’en avoir réchappé. Pour moi cela m’a fort surpris. Je m’attendais sinon à une révolte, du moins à un silence plus ou moins méprisant, pouvant porter condamnation à ce qui était arrivé. Fidèle au Si Deus est, unde malum ? (« Si Dieu existe, d’où vient le mal ?), je voyais dans le séisme une raison de s’insurger, de ne pas croire, un peu comme ce fut le cas pour beaucoup d’esprits devant celui de Lisbonne, au XVIIIe siècle. Mais non, la foi chevillée au corps de ces fidèles n’a pas été effleurée par le doute. L’obtention d’un salut personnel a fait justice de tout le reste.
Même chose à propos du séisme qui s’est produit en Turquie en février dernier. Les malfaçons ayant causé l’écroulement d’un grand nombre de maisons, on se serait attendu à ce que les habitants cherchent les responsabilités, demandent des comptes aux politiques corrompus. Mais non, quelque temps après le même président a été élu, et le même système a pu perdurer. Le fatalisme a tout emporté. On ne s’attache pas à maîtriser ce qui arrive, puisque c’est Dieu qui s’occupe de tout.
Ce fatalisme foncier se trouve aussi dans l’Évangile. « Et qui d’entre vous peut, par son inquiétude, prolonger tant soit peu son existence ? » (Matthieu, 6/27) Le moindre de nos cheveux est compté, et si rien n’est possible à l’homme, à Dieu tout est possible (ibid. 19/26).
Cette attitude propre au premier christianisme et à l’islam, caractérise cette âme « magique » dont parle Spengler dans Le Déclin de l’Occident, pour l’opposer à l’âme grecque ancienne, caractérisée par l’insouciance des grands enfants, et à l’âme faustienne de l’Occident moderne, faite d’élan vers un désir infini. Et la résume la soumission qui clôt le livre de Job.
Mais nous avons du mal chez nous à nous soumettre ainsi, pour nous soumission n’est pas résignation, comme le dit Hugo dans À Villequier. La sensibilité et aussi la raison continuent de réclamer leur part de contestation.
Le fatalisme oriental permet sans doute de trouver la paix : islam veut dire soumission, et la paix qu’on y trouve. Il est différent de notre âme inquiète et interrogeante. Pourtant nous ne pouvons nous empêcher de penser, parfois, qu’il a poussé bien loin le sacrificium intellectus, le sacrifice de l’esprit qui doute.
Voir aussi :
Fatalisme (complément) - Le blog de michel.theron.over-blog.fr
Pour nourrir la discussion, j''ajoute ici un texte complémentaire à ce que j'ai dit précédemment sur le fatalisme . Il a été rédigé pour faire partie du tome 4 de mes Fictions bibliques : F...
https://www.michel-theron.fr/2023/09/fatalisme-complement.html
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