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e viens de voir sur le blog de l’Association Schola Sainte Cécile, qui dépend de la paroisse Saint-Eugène, à Paris, des cours de latin proposés au public.
La publicité en est la suivante : « On le supprime à l’école, venez l’apprendre à notre paroisse ! Cours de latin liturgique, 2 samedis par mois... Cours assuré par M. le curé. »
C’est avec beaucoup de tristesse que j’ai lu ce message.
Non pas que le fait qu’un curé enseigne le latin me choque le moindrement : je ne suis pas anticlérical à ce point...
... Ni même qu’il s’agisse du latin liturgique, que je considère comme pouvant être très beau, même s’il est différent du latin dit classique.
Je ne suis pas en effet de ceux qui n’admettent que le latin cicéronien, et je sais très bien que c’est artificiellement qu’on a fait à l’Université une norme d’une très étroite section opérée dans l’évolution d’une langue.
Je ne dis pas cela seulement par nostalgie d’une enfance élevée in hymnis et canticis – dans les hymnes et les cantiques. Le latin dit tardif en effet, y compris médiéval, recèle de magnifiques pépites : il suffit de lire Le Latin mystique de Rémy de Gourmont pour s’en persuader. Je reconnais aussi que l’église romaine actuelle, par la bouche des Jésuites par exemple, s’exprime à l’occasion en très bon latin.
Non, ce qui me choque, c’est l’abandon programmé de cette langue dans l’enseignement public. Elle va se dissoudre dans un vague brouet interdisciplinaire, se mêler à l’enseignement de la civilisation antique, pour à la fin disparaître totalement en tant qu’objet d’étude spécifique. Or on ne connaît vraiment une civilisation que si on connaît bien sa langue, où elle se reflète complètement. Mistral disait très bien : « Si tu as la langue, tu as la clé ! »
On va la perdre apparemment. Certes les élèves seront heureux d’être dispensés de l’effort nécessaire pour l’acquérir, mais ce projet démagogique de notre ministre va accentuer la déculturation déjà en marche.
En outre, j’ai vu sur Internet que l’entreprise de Sainte-Cécile rencontre d’ores et déjà un grand succès, les demandes pour ces cours étant fort nombreuses. Je gage donc que ce sont les écoles privées qui vont maintenant se frotter les mains : elles pourront accueillir les candidats latinistes. Au regard de la carence et de l’abandon qui seront ceux de l’école publique, c’est fort dommage.
... On se demandera peut-être si les réflexions à quoi j’ai abouti ici ont un lien avec la religion ou la spiritualité, matière ordinaire de mes articles. Eh bien, je répondrai que tout est bon à prendre quand il s’agit d’humanité – et d’humanités. Que l’héritage catholique romain puisse alimenter notre culture, même de façon détournée, pourquoi pas ? Au reste, Dieu écrit droit avec des lignes courbes...
Article paru dans Golias Hebdo, 22 octobre 2015
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Ce texte est extrait d'un des deux tomes de mon ouvrage Chroniques religieuses. Pour plus de détails sur ces deux livres, cliquer: ici.
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