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l y a bien des passages où notre Bible n’en fait guère preuve, au point qu’on se demande s’il faut la donner à lire à tout le monde.
Je pense par exemple à maints endroits du Lévitique, où le rédacteur s’acharne de façon barbare sur ceux qui n’obéissent pas, fût-ce dans le moindre article, à ce qui est censé être la voix de Dieu. Et si par malheur un esprit aveugle vient à prendre ces passages au pied de la lettre, le résultat est catastrophique.
Par exemple un prélat ultraconservateur suisse, Vitus Huonder, évêque de Coire, diocèse de Zurich, a récemment devant un public ravi évoqué la mise à mort des homosexuels, en brandissant précisément deux citations du Lévitique, dont celle-ci : « Si un homme couche avec un homme comme on couche avec une femme, ils commettent tous deux une abomination. Ils seront punis de mort, leur sang retombera sur eux. » (20/13)
Coïncidence fâcheuse : c’est au nom de ces mêmes passages de la Bible qu’un extrémiste juif a poignardé six personnes, la veille du discours de l’évêque, au milieu de la Gay Pride de Jérusalem (Source : 360°, 1er août 2015).
Je me demande pourquoi ces passages, qui sont de vrais appels au lynchage, figurent encore dans la Bible, au risque d’exciter la rage sanguinaire des esprits faibles. Assurément venant de n’importe qui d’autre aujourd’hui ils tomberaient sous le coup de la loi et seraient incriminés, pour apologie du meurtre.
Et malheureusement ce livre n’est pas de par le monde le seul livre religieux à déchaîner la furie intolérante ! On le dit chez nous être de Dieu. Aux États-Unis d’Amérique, c’est sur lui que jurent encore les présidents nouvellement intronisés. Que ne lisent-ils ce qu’il contient ! Et encore, pour dire qu’il ne se trompe jamais, les conservateurs littéralistes parlent de son inerrance...
La sagesse, il me semble, aurait été d’en faire le lifting, et d’en expurger les passages inadmissibles comme ceux mentionnés plus haut. On aurait pu suivre l’exemple de la Bible de Jefferson, où tous les passages du Livre contraires à la raison ont été supprimés, et où seul a été conservé un enseignement moral convenant à tous.
Pour en éviter la violence, il eût fallu y garder la mansuétude et en proscrire l’anathème, en s’inspirant par exemple de ce qu’a pu dire Jésus après le prophète Osée : « Je veux la miséricorde, et non le sacrifice. » (Matthieu 9/13)
Comme on le reconnaît volontiers aujourd’hui dans les milieux religieux libéraux, la Bible n’est pas le livre de Dieu, mais celui d’hommes parlant de Dieu. Sont-ils inspirés par lui ? Jugeons-en aux résultats. « Tout arbre se reconnaît à ses fruits. » (Luc 6/43) À l’évidence, on constate que ces hommes sont parfois bien mal inspirés !
[v. Littéralisme]
Article paru dans Golias Hebdo, 10 septembre 2015
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Ce texte est extrait d'un des deux tomes de mon ouvrage Chroniques religieuses. Pour plus de détails sur ces deux livres, cliquer: ici.
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