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endant la crise du coronavirus, les recherches faites sur Google pour le mot-clé Prière ont explosé : 50% de hausse entre février et mars 2020, un score jamais atteint même à Noël, à Pâques ou pendant le Ramadan, et un phénomène global répertorié dans 95 pays. Les recherches provenaient majoritairement d’internautes chrétiens et musulmans (source : Réformés.ch, 22/06/2020.
Manifestement la prière dont il est question dans ce contexte ne peut être une prière de louange ou de remerciement, une prière eucharistique, mais au contraire une prière de demande, une rogation. Celui qui s’y livre demande à être protégé du virus. [v. Prière]
Ce type de prière renvoie à la religion conçue comme contrat synallagmatique, alliance entre Dieu et les hommes, pacte conclu pour les juifs et les chrétiens sur le Sinaï : j’échange mon obéissance contre ta protection et ta récompense, et inversement si je te désobéis tu es fondé à me punir. Une catastrophe survient-elle, comme la crise sanitaire actuelle ? J’en cherche alors la cause dans une culpabilité de ma part, un manquement au contrat, en vertu du principe de rétribution. Et j’implore la grâce de celui qui l’a permise et envoyée. [v. Obscurantisme]
Je pense que cette vision maintient l’homme dans une éternelle enfance. D’une part la crise actuelle n’est pas un châtiment de Dieu, mais un effet de la folie des hommes, qui ne doivent pas s’exonérer ici de leur responsabilité. Le virus est venu d’animaux sauvages au contact desquels l’homme s’est trouvé à cause des déforestations qu’il a pratiquées.
D’autre part la prière chrétienne majeure enseignée par Jésus contient un fiat !, un acquiescement à ce qui arrive, invalidant toute demande personnelle : « Que ta volonté soit faite ! » Combien de fidèles en priant remplacent cette parole par un implicite « Que ma volonté soit faite » ! Or il y a bien des cas dans la vie (ce n’est certes pas celui du coronavirus) où l’acquiescement à ce qui survient est supérieur à la lutte qu’on met en œuvre pour s’en débarrasser.
Le schéma susdit est clair, et renvoie religion à lien. C’est effectivement une des étymologies possibles de ce mot (religare, relier). Mais ce n’est pas la seule possible, et je plaiderai ici pour une seconde, autorisée par le grand Cicéron. Religion renverrait à relegere, qui signifie à la fois accueillir et relire. À mon avis il est bien meilleur d’accueillir et de revisiter les textes que l’on nous a inculqués de façon injonctive, de faire le tri entre eux, et de voir dans certains, comme par exemple les paraboles évangéliques, des scénarios de vie ou de vivification façonnant l’homme pour qu’il ressemble à l’homme.[1]
Article paru dans Golias Hebdo, 9 juillet 2020
[1] Sur l’ensemble de ce qui est dit ici, on peut voir mon ouvrage La Source intérieure.
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Ce texte est extrait d'un des deux tomes de mon ouvrage Chroniques religieuses. Pour plus de détails sur ces deux livres, cliquer: ici.
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