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ai assisté dernièrement à un concert de Noël, où l’on a chanté le fameux Minuit Chrétiens !, qui est comme on l’a dit la « Marseillaise du croyant ».
J’ai donc entendu l’antienne célèbre : « Noël, Noël, voici le Rédempteur ! » Mais la beauté indéniable du chant ne m’a pas empêché de réfléchir, une fois quittée l’église, sur cette idée de rédemption.
Elle est centrale dans la construction chrétienne. On le voit même par le refus récent du pape actuel de proclamer un cinquième dogme marial considérant Marie comme la « co-rédemptrice » du Christ (Source : lacroix.com, 13/12/2019). On peut signaler aussi l’existence en catholicisme de la congrégation des Rédemptoristes, etc.
L’idée de rédemption est très engageante et gratifiante pour le fidèle, qui n’en saisit pas forcément aujourd’hui l’enjeu : le rachat du péché originel.
Dans l’hymne Exultet, chantée le samedi saint, on apprend même que la faute du premier homme a été heureuse, puisqu’elle nous a valu un tel et si grand Rédempteur (Felix culpa, quae talem ac tantum meruit habere Redemptorem). Nous aimons toujours entendre qu’il y a dans chaque faute commise une possibilité de rachat, une occasion de résilience, en somme une « positivité de la négativité ».
Mais le texte néotestamentaire peut nous décevoir, car la rédemption dont on s’enchante est en fait une rançon (lutron) : « Le Fils de l’homme est venu, non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour beaucoup. » (Matthieu 20/28 ; Marc 10/45 ; 1 Timothée 2/6) Bien sûr, si rédemption nous fait plaisir, rançon nous choque. Et pourtant c’est le même mot en français : le premier a sa source dans le second (via un raançon médiéval). « Rédemption » a été ensuite calqué mécaniquement sur le latin redemptio (dont le sens est bien : rachat).
Cette rançon est versée à Dieu. L’idée qui s’en dégage est celle d’un créancier sévère, qui n’est satisfait que si le débiteur s’acquitte du prix de sa dette. Socin disait bien que si Dieu a été payé par le sacrifice du Fils, il n’a pas pardonné. Pardonner signifie qu’on efface la dette, et non pas qu’on la recouvre. Outre donc l’idée du péché originel, qui fait bon marché de la responsabilité individuelle, l’on peut refuser cette théologie épicière et barbare d’un Dieu inflexible, dont il faut même, comme dit le Minuit Chrétiens !, « apaiser le courroux ». Elle est autorisée pourtant par les textes susdits.
Malgré tout nous continuerons désormais de rêver sur la Rédemption floue, en oubliant la Rançon précise dont elle provient, et le contexte qu’elle suppose. Sans doute y a-t-il des mots qui, comme le disait Valéry, ont plus de valeur que de sens.
Article paru dans Golias Hebdo, 9 janvier 2020
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Ce texte est extrait d'un des deux tomes de mon ouvrage Chroniques religieuses. Pour plus de détails sur ces deux livres, cliquer: ici.
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