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a présence et son observation sont sans doute nécessaires au fonctionnement social. Il est présent à peu près partout, comme le disent les anthropologues.
Son rôle est structurant, certes, mais à l’évidence il constitue une injonction qui nous est signifiée de façon plus ou moins comminatoire, au profit du groupe peut-être et de sa cohésion, mais au détriment de la liberté et du choix individuels. Aussi y a-t-il des cas, me semble-t-il, où il y a avantage à s’en éloigner.
Dans cette période des fêtes de fin d’année, naturellement tout le mode s’est pressé en foule dans les magasins pour acheter cadeaux et victuailles, Noël étant devenu pour la plupart, non plus une fête religieuse commémorant une naissance survenue dans le plus complet dénuement, mais une simple occasion de consommation et de goinfrerie.
Ce rite est observé machinalement, de façon moutonnière, et aussi purement formelle, puisque d’après un sondage, comme je l’ai souligné dans une précédente chronique, avant même la fête 40% de personnes ont déjà dit qu’elles allaient revendre dès le lendemain sur Internet les cadeaux qu’elles y auraient reçus. Les magasins aussi ont pour ce jour-là beaucoup de retours.
Où est le cœur là-dedans, l’intention profonde du geste ? Le rite est vidé de sa signification, pratiqué de cette façon purement machinale et formelle dont on sait qu’elle fossilise et tue : « La lettre tue, mais l’esprit vivifie. » (2 Corinthiens 3/6)
Pour moi, il faut décidément s’écarter de cette frénésie robotisée. D’abord elle est obscène par rapport à ceux qui par pauvreté ne peuvent y participer. Noël peut bien briller dans les yeux des enfants : il y a toujours des gens qui meurent dans la rue. Comme le dit la Sauvage d’Anouilh : « Il y aura toujours un petit chien crevé quelque part qui m’empêchera d’être heureuse. »
Ensuite je ne vois pas pourquoi il faudrait bâfrer en famille à tel moment fixé, et identiquement offrir tel ou tel « cadeau » à telle ou telle personne de façon obligée. Fête pour fête, je préfère en choisir le moment, ainsi que l’occasion et les destinataires du partage : ils seront alors authentiques.
Que si l’on m’oppose les injonctions sociales, ce que l’on doit faire ou ne pas faire lors de tel ou tel jour, je répondrai avec un grand anti-ritualiste que l’on peut bien fêter, mais dont on a souvent oublié le message : « Le Fils de l’homme est maître du sabbat. » (Matthieu 12/8)
Article paru dans Golias Hebdo, 8 janvier 2015
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Ce texte est extrait d'un des deux tomes de mon ouvrage Chroniques religieuses. Pour plus de détails sur ces deux livres, cliquer: ici.
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