Aux USA Marc Zuckerberg, le patron de Facebok, vient de supprimer sur sa plateforme la possibilité d’en vérifier les contenus (fact checking) confiée jusque là à des testeurs professionnels et indépendants. À l’évidence il veut par là s’attirer les bonnes grâces du futur président états-unien – et il est loin d’être le seul dans ce cas. Mais aussi, ce faisant, il s’en prend directement à l’Europe, qui veut mettre des bornes à la libre expression, en la régulant et en la modérant. Elon Musk a le même but.
Je suis évidemment d’accord en la matière avec le projet européen de contrôle, et je pense qu’il y a un grave péril à valider indifféremment n’importe quelle opinion et à ignorer l’arbitrage des faits. Car la porte est ouverte à toutes les « vérités alternatives », qui prolifèrent déjà à qui mieux mieux sur la Toile, et dont le futur président s’est fait une spécialité.
Car comment peut-on discuter d’une chose quant on ne s’entend pas d’emblée sur la chose même dont on parle ? Dans ce cas, il n’y a que l’affrontement de monologues. Et ensuite, les uns sont condamnés à un silence forcé, quand ils constatent que la discussion est impossible, et les autres passent rapidement du repliement sur soi à l’agression d’autrui.
Traditionnellement la vérité est l’adéquation entre l’esprit et la chose, ce que veut dire l’ancien adage latin : adaequatio rei et intellectus. S’il n’y a pas cette correspondance, c’est qu’il ne s’agit que d’une opinion. Et c’est précisément à quoi on assiste aujourd’hui : à un affrontement d’opinions, sans garantie et validation de faits.
Dans le journalisme traditionnel, il était d’usage de bien séparer l’exposé des faits, et l’expression des opinions. C’était bien plus honnête. Mais maintenant seules les opinions se manifestent, quitte pour ceux qui les soutiennent à ignorer ou tordre les faits eux-mêmes, qui deviennent de pseudo-faits.
Mieux encore. L’esprit de beaucoup aujourd’hui est tellement embrumé par le climat général, qu’on prend pour opinions intellectuelles ce qui n’est en réalité qu’émotions viscérales et instinctives. Telle la haine qui se déverse sur les réseaux sociaux. Or on a raison en anglais de souligner que la haine n’est pas une opinion (hate is not an opinion).
Abandonnons ce relativisme mortifère, et toutes ces constructions irréelles et fantasmagoriques qui aux faits nous font préférer les fées.
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