La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a condamné la France, jeudi 23 janvier, en décidant qu’une personne qui refuse des rapports sexuels avec son conjoint ne doit pas être considérée par la justice comme « fautive » et causer ainsi un divorce (Source : lacroix.com, 23/01/2025)
Le devoir conjugal, au sens de l’obligation pour les époux d’entretenir des relations sexuelles, a une origine religieuse. Il se trouve dans le Droit canon, l’Église estimant que les époux ont le devoir de procréer, conformément à l’injonction nataliste de la Bible (Genèse, 1/28). Le refus ou l’impossibilité d’accomplir l’acte sexuel, tant du côté du mari que de la femme, était accepté par les autorités religieuses comme motif légitime pour faire annuler une union. Mais un cas récent qui le montre encore est celui de l’« impuissance copulative », une raison canonique « dirimante » pour annuler le mariage (voir mon billet « Copulation », Golias Hebdo, 12/08/2012). Une injonction plus radicale et plus inhumaine encore se trouve dans le judaïsme orthodoxe, où un mari peut répudier sa femme si elle ne peut avoir d’enfant : c’est le sujet du film d’Amos Gitaï Kadosch.
Bien qu’absente explicitement du Code civil, cette obligation a figuré souvent dans la jurisprudence. S’appuyant sur l’article 215 du Code civil, qui stipule que les époux « s’obligent mutuellement à une communauté de vie », certains juges ont compris que l’obligation était de partager le même lit ou la même chambre. Sur ce fondement la Cour d’appel d’Aix-en-Provence a confirmé une décision de divorce aux torts exclusifs du mari pour cause d’absence de relations sexuelles pendant plusieurs années (voir mon billet « Obligation », Golias Hebdo, 15/12/2011).
Dans tous ces cas, il s’agit du poids exercé sur un individu par un système transcendant qui le dépasse, qu’il soit religieux ou laïque, une construction sociale aux yeux de laquelle il ne compte que comme un rouage anonyme dans la perpétuation de l’espèce. Mais heureusement la décision de la CEDH contrevient à cette vision hétéronomique et donne à l’homme un vrai pouvoir d’autonomie. Elle est plus en phase avec l’évolution actuelle des mœurs, qui par exemple mettent le consentement comme prérequis à toute relation sexuelle. À suivre l’ancien système d’ailleurs le devoir conjugal pouvait servir de justification au viol conjugal. Qui s’en était douté ?
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